

septembre - octobre 2015
•
anform !
79
nutrition
La nutrigénétique
La nutrigénétique est beaucoup moins avancée.
“On sait
que chaque personne est différente génétiquement, et
on commence à comprendre quelles sont les variations
génétiques qui expliquent la réponse des individus aux
nutriments. L’idée c’est de proposer, dans environ une
dizaine d’années, des recommandations nutritionnelles
plus personnalisées. On pourra dire àun individu : “vous,
vous assimilez mal la vitamine C, il faudrait que vous en
consommiez plus que d’autres.””
En arrivera-t-on àla nutri-
tion adaptée àchaque individu ?
“Peut-être pas,
répond le
Pr Borel.
Car il ya énormément de facteurs qui affectent la
réponse individuelle aux aliments. Des recommandations
à l’échelle de populations ou de groupes ethniques pa-
raissent plus réalistes.”
Ainsi les Indiens réagissent moins
bien que les Eurasiens àla prise de graisse en la stockant
essentiellement autour des viscères. C’est pourquoi
ils souffriraient plus facilement de diabète. Un léger
surpoids pouvant suffire à déclencher la mala-
die. Une alimentation spécifique adaptée à leurs
gènes pourrait contribuer à empêcher son déve-
loppement.
“Un de nos projets actuels concerne la
vitamine A,
explique le Pr Borel.
Il existe toujours
une déficience en vitamine A dans de nombreux
pays en voie de développement, tuant des mil-
liers d’enfants chaque année. Pour le moment,
les recommandations de supplémentation ne
tiennent pas compte des caractéristiques
génétiques propres à chaque groupe eth-
nique. Le but est de trouver le dosage et la
formulation qui leur sont adaptés.”
et légumes sont moins tou-
chés par certaines maladies.
Donc, dans notre laboratoire,
nous essayons de comprendre les mé-
canismes impliqués,
explique le Pr Borel.
Qu’est-ce qui
protège et comment ? Un des objectifs est de faire des
alicaments, des suppléments nutritionnels qu’on trouve
en pharmacie. On peut ainsi consommer du lycopène,
présent notamment dans les tomates ou certains fruits
rouges, car des études ont montré qu’il protège du can-
cer de la prostate. Idem avec la lutéine, que l’on retrouve
dans les épinards, et qui protège de la dégénérescence
maculaire liée àl’âge.”
Un autre exemple est celui de la
vitamine A, essentielle au fonctionnement du système im-
munitaire, qui a des effets nutrigénomiques connus et est
utilisée comme supplément pour traiter certaines patho-
logies.
“Mais il y a des milliers de molécules dans l’ali-
mentation. On est plutôt avancés sur certaines et on ne
connaît pratiquement rien sur d’autres. Donc il ya encore
beaucoup àfaire”,
ajoute le Pr Borel.
La nutrigénomique
L’intérêt fondamental de la nutrigénomique est de mieux
comprendre le rôle des aliments sur la santé. L’alimenta-
tion influence l’expression de nos gènes, en stimulant, ou
au contraire en inhibant, l’expression de certains d’entre
eux. Ce sont essentiellement les micronutriments comme
les vitamines, les oligoéléments, les minéraux, les acides
gras essentiels, ou des composés naturellement présents
dans les plantes qui ont une influence sur nos gènes. Le
processus est complexe. Par exemple, dans certains cas,
des micronutriments viennent se greffer sur des protéines
qui permettent l’activation des gènes. Ils fonctionnent alors
comme des “interrupteurs” et modifient leur niveau d’ex-
pression. D’autres micronutriments peuvent marquer l’ADN
par l’ajout de groupements chimiques. Ces mar-
quages modulent également l’ex-
pression des gènes mais sans
en modifier le contenu géné-
tique.
“On s’est par exemple
rendu compte que ceux qui
mangent beaucoup de fruits