

août - septembre 2016
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anform !
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droit
tivité). Quand on passe ses journées àtuer
le temps, quand venir au travail est anxiété,
alors qu’on aimait son métier, qu’on est une
personne dynamique, le préjudice psycholo-
gique de ces agissements honteux est bien
réel. J’en témoigne.
me ReGaRdeR en face
Je ne regrette pas d’avoir affirmé mes droits.
Je regrette d’avoir dû le faire, en 2016, à
l’heure où le gouvernement fait de la pré-
vention des risques psycho-sociaux et du
harcèlement une priorité nationale. Je veux
toujours pouvoir me regarder en face, pou-
voir regarder en face mes enfants et chaque
enfant que je croise. En tant que manager, je
veux pouvoir croire en l’intégrité de nos déci-
deurs. Les agissements sexistes devraient
pouvoir être dénoncés auprès d’un média-
teur de la République au sein de chaque
région. Les victimes ne doivent plus subir
une double peine par la stigmatisation, le
déni de leur souffrance, la banalisation des
propos sexistes… Ces agressions font plus
de victimes que l’on croit : victimes directes,
victimes collatérales (enfants, familles,
conjoints…). Vous comprendrez aisément
que je témoigne àce jour encore anonyme-
ment, en grande partie pour protéger mes
enfants. Àl’écriture de ce témoignage, j’en
pleure encore…
5 QUESTIONS À…
M
e
Caroline Chane,
avocate à Saint-Denis
Stress, pression aux résultats... Le harcèlement
moral n'est pas toujours facile à identifier. Où
commence-t-il ?
Il s’inscrit dans le temps, sur une durée et
une récurrence. Outre son intensité et des
conséquences qui peuvent être dévastatrices. Il faut
toutefois faire la distinction entre le ressenti de la
personne (qui est souvent réel) et la qualification
juridique du harcèlement en droit du travail et
en droit pénal. À partir d'un faisceau d’indices, le
juge va pouvoir caractériser ou pas des faits de
harcèlement : critiques publiques et injustifiées,
agressivité, réflexions humiliantes et répétées,
privation de responsabilités ou de tâches, missions
dévalorisantes, irréalisables ou inadaptées aux
compétences, outil de travail inadapté, “mise au
placard”, etc.
Le harcèlement sexuel en fait-il partie ?
Il s’agit d'une qualification spéciale (ndlr : loi
du 6 août 2012), mais qui procède de la même
sanction.
Quelle est l'importance du phénomène à La
Réunion ? Et son évolution ?
Après l’adoption de la législation sur le
harcèlement (notamment la loi du 17 janvier 2002),
il y a eu une importante vague de saisines des
conseils des prud’hommes. Les juges font la part
des choses pour déterminer les cas qui relèvent
ou non du harcèlement. La tendance semble se
stabiliser.
Que faire si on y est confronté ?
Le malaise au travail procède la plupart du temps
de difficultés relationnelles ou de management
qui peuvent dégénérer sur des situations de
harcèlement. La médiation permet une prévention
de ces situations. prenez conseil auprès d’un
avocat qui saura vous orienter en médiation et vous
défendre en cas de contentieux. L'inspection du
travail et le médecin du travail peuvent aussi vous
orienter.
Du côté de l'employeur, comment réagir en cas de
dénonciation de harcèlement ?
Il a une obligation de sécurité et de résultat, et
doit être à l’écoute des salariés. En cas de plainte
ou de suspicion de harcèlement, il doit chercher à
comprendre et prendre des mesures de prévention.
Une médiation interne dans ce cas désamorce
beaucoup de conflits en latence.
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