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anform !
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août - septembre 2016
droit
ma descente aux enfers
Elle est
réunionnaise et
souhaite rester
anonyme. Elle
a décidé de
nous écrire pour
dénoncer le
harcèlement dont
elle a été victime
au travail. Parce
que personne
n’est à l’abri.
Témoignage.
PAR CAROLINE FIAT
Sous pression
J
e suis cadre dans une grande
administration. Je me considère
comme étant une jolie femme de
caractère avec des valeurs (dont
celles du respect et de l’intégrité). J’ai
le sens des responsabilités et de l’insti-
tution, de l’humour, et je suis loin d’être
naïve quant àla réalité des rapports pou-
voir/séduction.
insistance et déniGRement
Alors en instance de divorce, des ma-
nagers ont commencé à me faire des
avances. J’ai fait en sorte de les raccom-
pagner le plus diplomatiquement pos-
sible pour ne pas les vexer : ce sont mes
supérieurs, j’aime mon métier et je m’oc-
cupe seule de mes enfants en bas âge…
Ils l’ont mal pris et, au bout de quelques
mois, comme toutes leurs avances et
stratégies de séduction (que la loi assi-
mile au harcèlement sexuel)sont restées
vaines, j’ai subi du harcèlement moral.
Écartée des réunions, des dossiers, des
informations… en un mot placardisée !
De temps en temps, ils retentaient leur
chance… Ça ne marchait toujours pas !
Le harcèlement moral s’est intensifié.
Par exemple, je pense être conviée àune
réunion de travail (enfin !). Elle n’est en
réalité qu’une descente aux enfers avec
Harcèlement au travail :
dénigrements, sous-entendus insidieux,
critiques vagues… Pendant un an et
demi, j’ai tenté de gérer seule ces rela-
tions managériales irrespectueuses.
pROtectiOn JURidiqUe
N’en pouvant plus, et grâce au sou-
tien de ma famille, d’amis et de rares
collègues (ceux qui n’avaient pas peur
de me côtoyer), j’ai décidé de tirer une
sonnette d’alarme en demandant ma
protection juridique et fonctionnelle.
Le premier effet de cette décision a été
d’être encore plus stigmatisée et iso-
lée : une vraie pestiférée ! Aussi bien de
la part d’hommes que de femmes. J’ai
fait l’objet de calomnies, de critiques
injustifiées, certains n’hésitant pas à
utiliser mon histoire personnelle pour
alimenter des doutes sur la véracité de
ce que je dénonçais. Je n’ai jamais eu
de réponse à cette demande de pro-
tection juridique et fonctionnelle. Cette
alerte n’a eu qu’un seul effet positif : ces
personnes ont compris qu’elles ne pour-
raient pas toucher àma personne et à
mon intégrité. Malgré cela, je ressens
toujours cette solidarité malsaine pour
me tenir àl’écart. Je vis toujours au quo-
tidien ce que les spécialistes appellent
le
bore-out
(placardisation et sous-ac-