

août - septembre 2016
•
anform !
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Née elle aussi chez les hommes,
il y a 36 ans, elle a vécu une vie
dysphorique.
“La dysphorie, c’est
la souffrance que génère le désac-
cord avec son sexe biologique.
Certains trans le savent depuis
l’enfance. D’autres prennent plus
de temps pour réaliser, accepter,
comme moi. Mais pour tous, au
moment où on accepte ce qu’on
est, c’est un bonheur intense.
C’est un puzzle qui s’assemble
enfin.”
Après 1 an de traitements
hormonaux très lourds, la voici
enfin femme, sur tous les plans,
même si la chirurgie n’est pas
d’actualité.
“Pour certains trans,
c’est important, pour d’autres non.
Et puis, il faut trouver un chirur-
gien acceptable. Ce qui n’est pas
évident. Ou aller en Thaïlande ou
auxUSA, si on a les moyens.”
Pho-
tographe de métier, elle a vécu la
rupture familiale, a dû quitter La
Réunion et se battre tous azimuts
pour voir enfin reconnue son iden-
tité de femme lesbienne. Très
engagée pour défendre les droits
des trans, elle connaît sur le bout
des ongles le parcours médical
(hormonal, notamment) et n’a
pas de mots assez durs envers
certains médecins (psys en tête)
qui, en France, jugent encore les
transgenres
“avec paternalisme
et condescendance, pour ne pas
dire comme des malades men-
taux”.
Marie
Il y a des transitions plus faciles que d’autres.
Née dans un corps d’homme il y a 37ans, la
Dionysienne a franchi les principales étapes
du parcours MTF classique. 10 ans après
son
coming out
familial, puis professionnel
(elle travaille dans une administration terri-
toriale), elle a changé son prénom àl’état
civil (même si, n’étant pas opérée, sa carte
d’identité mentionne toujours son sexe de
naissance). Elle a fait sa transition hormo-
nale avec l’accompagnement médical et
psychologique de rigueur… Au pire, elle se
rappelle quelques réflexions moqueuses.
Rien de plus. Pas de rejet, pas de désocia-
lisation, même si elle tient toujours àune
grande discrétion, dans une petite île où
tout se sait vite. Du plus loin qu’elle se sou-
vienne, elle
“s’est toujours sentie femme”
.
Éric, 28 ans, est FTM(female to male).
3 petites lettres pour un long chemin. Et
si son corps né au féminin a désormais
l’allure du masculin, c’est après un âpre
combat. Il est aujourd’hui un militant
associatif actif.
“Enfant, je me suis tou-
jours senti hors jeu, ni fille ni garçon. Je
vivais ça de l’extérieur, totalement pas-
sivement, comme si ce n’était pas mon
corps. J’avais l’impression que c’était un
vaisseau, mais que ce n’était pas moi qui
conduisais. J’étais l’intello de service, très
timide. Et quand mon cousin m’a décrit
la puberté, j’ai pris peur. Mon corps est
devenu mon ennemi. J’ai cessé d’en
prendre soin. L’achat du premier soutien-
gorge et le jour des premières règles, ce
sont des souvenirs horribles.”
Les rela-
tions familiales se durcissent alors. L’iso-
lement devient total. À19 ans viennent
enfin les premières amours, pour des
filles, et la découverte dans un magazine
gay que
“je n’étais pas seul”
. Grâce aux
forums sur internet, Éric sort de la soli-
tude. Un peu.
“ÀLa Réunion, on a 20ans
de retard sur ces questions et on est vite
marginalisé. Il faut s’entraider.”
Un sou-
venir parmi d’autres :
“Quand tu es avec
d’autres transgenres FTM au restaurant
et que le vendeur de roses demande aux
autres s’ils ne veulent pas acheter une
fleur pour leur copine, c’est-à-dire…moi.
Ben, ça fait mal.”
On n’a pas toujours
l’humour et le recul pour en rire. Et puis,
le jour oùil est entré chez le coiffeur pour
demander
“quelque chose de pas fémi-
nin”
et qu’il est resté à contempler lon-
guement la masse de cheveux coupés, à
terre,
“on aurait dit un animal mort”
.Mais
les choses vont mieux à présent. Tech-
nicien dans l’agriculture, il se bat contre
les mauvaises herbes. Tout un symbole.
“Ma transition au travail, dans ce milieu
masculin, s’est bien passée. Ça fait
4 ans maintenant. J’en ai d’abord parlé
à ceuxqui me paraissaient bienveillants.
Mais de toute façon, ça se voit de plus en
plus… J’essaie de rester toujours conci-
liant, d’expliquer.”
Car dans la majorité
des cas, c’est l’ignorance bien plus que
la malveillance qui cause les incompré-
hensions.
“La question de l’opération
revient sans cesse, par exemple.”
Celle
de l’orientation sexuelle aussi. Alors que
ce ne sont qu’un aspect des choses.
Sous traitement hormonal depuis près
de 2 ans, il a vu ses poils pousser, sa
voix changer, et terminera par l’état ci-
vil.
“Il y aura aussi l’hystérectomie et la
mammectomie. En attendant, il ne faut
surtout pas que je meure. Car ça serait
avec une paire de nichons et un prénom
encore féminin”,
sourit-il.
Éric
psycho
Dominique