Previous Page  79 / 84 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 79 / 84 Next Page
Page Background

août - septembre 2016

anform !

79

Née elle aussi chez les hommes,

il y a 36 ans, elle a vécu une vie

dysphorique.

“La dysphorie, c’est

la souffrance que génère le désac-

cord avec son sexe biologique.

Certains trans le savent depuis

l’enfance. D’autres prennent plus

de temps pour réaliser, accepter,

comme moi. Mais pour tous, au

moment où on accepte ce qu’on

est, c’est un bonheur intense.

C’est un puzzle qui s’assemble

enfin.”

Après 1 an de traitements

hormonaux très lourds, la voici

enfin femme, sur tous les plans,

même si la chirurgie n’est pas

d’actualité.

“Pour certains trans,

c’est important, pour d’autres non.

Et puis, il faut trouver un chirur-

gien acceptable. Ce qui n’est pas

évident. Ou aller en Thaïlande ou

auxUSA, si on a les moyens.”

Pho-

tographe de métier, elle a vécu la

rupture familiale, a dû quitter La

Réunion et se battre tous azimuts

pour voir enfin reconnue son iden-

tité de femme lesbienne. Très

engagée pour défendre les droits

des trans, elle connaît sur le bout

des ongles le parcours médical

(hormonal, notamment) et n’a

pas de mots assez durs envers

certains médecins (psys en tête)

qui, en France, jugent encore les

transgenres

“avec paternalisme

et condescendance, pour ne pas

dire comme des malades men-

taux”.

Marie

Il y a des transitions plus faciles que d’autres.

Née dans un corps d’homme il y a 37ans, la

Dionysienne a franchi les principales étapes

du parcours MTF classique. 10 ans après

son

coming out

familial, puis professionnel

(elle travaille dans une administration terri-

toriale), elle a changé son prénom àl’état

civil (même si, n’étant pas opérée, sa carte

d’identité mentionne toujours son sexe de

naissance). Elle a fait sa transition hormo-

nale avec l’accompagnement médical et

psychologique de rigueur… Au pire, elle se

rappelle quelques réflexions moqueuses.

Rien de plus. Pas de rejet, pas de désocia-

lisation, même si elle tient toujours àune

grande discrétion, dans une petite île où

tout se sait vite. Du plus loin qu’elle se sou-

vienne, elle

“s’est toujours sentie femme”

.

Éric, 28 ans, est FTM(female to male).

3 petites lettres pour un long chemin. Et

si son corps né au féminin a désormais

l’allure du masculin, c’est après un âpre

combat. Il est aujourd’hui un militant

associatif actif.

“Enfant, je me suis tou-

jours senti hors jeu, ni fille ni garçon. Je

vivais ça de l’extérieur, totalement pas-

sivement, comme si ce n’était pas mon

corps. J’avais l’impression que c’était un

vaisseau, mais que ce n’était pas moi qui

conduisais. J’étais l’intello de service, très

timide. Et quand mon cousin m’a décrit

la puberté, j’ai pris peur. Mon corps est

devenu mon ennemi. J’ai cessé d’en

prendre soin. L’achat du premier soutien-

gorge et le jour des premières règles, ce

sont des souvenirs horribles.”

Les rela-

tions familiales se durcissent alors. L’iso-

lement devient total. À19 ans viennent

enfin les premières amours, pour des

filles, et la découverte dans un magazine

gay que

“je n’étais pas seul”

. Grâce aux

forums sur internet, Éric sort de la soli-

tude. Un peu.

“ÀLa Réunion, on a 20ans

de retard sur ces questions et on est vite

marginalisé. Il faut s’entraider.”

Un sou-

venir parmi d’autres :

“Quand tu es avec

d’autres transgenres FTM au restaurant

et que le vendeur de roses demande aux

autres s’ils ne veulent pas acheter une

fleur pour leur copine, c’est-à-dire…moi.

Ben, ça fait mal.”

On n’a pas toujours

l’humour et le recul pour en rire. Et puis,

le jour oùil est entré chez le coiffeur pour

demander

“quelque chose de pas fémi-

nin”

et qu’il est resté à contempler lon-

guement la masse de cheveux coupés, à

terre,

“on aurait dit un animal mort”

.Mais

les choses vont mieux à présent. Tech-

nicien dans l’agriculture, il se bat contre

les mauvaises herbes. Tout un symbole.

“Ma transition au travail, dans ce milieu

masculin, s’est bien passée. Ça fait

4 ans maintenant. J’en ai d’abord parlé

à ceuxqui me paraissaient bienveillants.

Mais de toute façon, ça se voit de plus en

plus… J’essaie de rester toujours conci-

liant, d’expliquer.”

Car dans la majorité

des cas, c’est l’ignorance bien plus que

la malveillance qui cause les incompré-

hensions.

“La question de l’opération

revient sans cesse, par exemple.”

Celle

de l’orientation sexuelle aussi. Alors que

ce ne sont qu’un aspect des choses.

Sous traitement hormonal depuis près

de 2 ans, il a vu ses poils pousser, sa

voix changer, et terminera par l’état ci-

vil.

“Il y aura aussi l’hystérectomie et la

mammectomie. En attendant, il ne faut

surtout pas que je meure. Car ça serait

avec une paire de nichons et un prénom

encore féminin”,

sourit-il.

Éric

psycho

Dominique