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anform !

février - mars 2015

ma

santé

Quelle ne fut pas la surprise

des parents Fanchonne,

lorsque leur première fille,

aujourd'hui âgée de 64 ans,

est née albinos, et juste

après, son frère. Les six

enfants suivant seront de

couleur noire comme les

parents et les trois der-

niers, de nouveau albinos.

Pour autant, jamais les

parents Fanchonne ne

parleront de malédiction.

Une éducation faite de

tolérance, d'acceptation

et d'amour les aura aidés

à se construire avec

courage et détermina-

tion.

“Quand vous êtes

un enfant, les paroles

blessantes sont autant

de coups à endurer,

explique Raymond Fanchonne,

50 ans,

mais cela rend plus fort.”

Les contraintes du quotidien

À l'âge de 13 ans, Raymond et

plus tard sa sœur et son autre

frère, intégrera une école spé-

cialisée dans l'Hexagone, pour

les malvoyants. Les deux aînés

n'ont pas eu cette possibilité, car

à leur naissance, leurs parents

ignoraient tout de la maladie. Ils

les exposaient même au soleil.

Mais très vite, ils ont constaté les

dégâts des rayons ultra-violets

sur leur peau.

“Je n'ai pas honte

d'être albinos,

confie Nathalie,

la sœur cadette.

J'ai laissé faire

la nature.”

Finalement elle aura

deux enfants noirs.

“Enfants,

maman nous badigeonnait de

vaseline, après une brûlure,

se

souvient Nathalie,

et nous recou-

vrait de feuilles de bananiers.”

Les albinos ne sont pas égaux

devant les réactions cutanées.

Raymond, par exemple, ne fait

aucune allergie aux herbes.

Cinq albinos

dans ma famille”

Mais quand les arbres fruitiers

sont en fleurs, il a de l'urticaire.

Il se coupe plus facilement et

cicatrise très vite. Côté vision,

ils ont tous les cinq une très

mauvaise vue et tous portent

des lunettes depuis l'enfance.

“À l'école,

confie l'aînée,

nous

devions nous lever et nous coller

au tableau pour réussir à déchif-

frer. Et il ne fallait pas compter

sur le soutien des enseignants.

Pour la plupart, nous étions juste

des fainéants.”

Inexorablement

leur vue continue de baisser et

c'est une angoisse pour tous.

“En grandissant, on s'habitue

à cacher ses handicaps pour

renvoyer une image “normale””

,

confie Raymond qui est devenu

électricien. Dans sa vie pro-

fessionnelle, sa vue reste son

handicap majeur.

“J'ai appris

à anticiper. Quand une tâche

impose une bonne vision, j'inter-

vertis avec un collègue.”

Natha-

lie rêvait de devenir coiffeuse.

“Ce n'est pas pour autant que

j'ai sacrifié tout ce que j'aime.

Je vais même à la plage. Sim-

plement je choisis mes heures

car j'ai toujours cette épée de

Damoclès au-dessus de la tête.”

“Nous luttons pour vivre”

Pour Nathalie et sa sœur aînée,

il y a de l'amertume vis-à-vis des

médecins. Selon elles, ils ne sont

pas toujours de bons conseillers.

“Un dermatologue en France

m'a dit un jour : qu'est-ce que

vous attendez de moi ? Vous

avez déjà la peau d'une per-

sonne de 83 ans ! Et toutes ces

crèmes qui nous sont indispen-

sables pour ne pas brûler ne

sont pas remboursées, pas plus

que nos lunettes. Pourtant c'est

bien une des conséquences de

la maladie.”

“Quand vous

êtes un enfant,

les paroles

blessantes

sont autant

de coups

à endurer.”