

novembre - décembre 2016
•
anform !
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Par anne Debroise
Elizabeth Parrish, PDG de l'entreprise américaine Bioviva, s'est fait
injecter une solution pour effacer la trace du temps dans ses gènes.
Est-ce bien sérieux ?
“B
iologiquement,
je suis redevenue
une personne de
20 ans”
, clame
Elizabeth Parrish, dont la carte
d'identité affiche pourtant 45 ans.
Le 22 avril dernier, l'entrepreneuse
américaine annonçait être la pre-
mière personne au monde ayant
rajeuni grâce à la thérapie génique.
Elle faisait ainsi la promotion de
l'entreprise qu'elle a créée en 2014
et qu'elle dirige depuis. Sa start-up,
basée dans une modeste maison
de Seattle, se propose de dévelop-
per des traitements pour régénérer
les muscles et les tissus. Les solu-
tions sur lesquelles elle travaille
trottent depuis des décennies dans
la tête des adeptes du transhuma-
nisme qui y voient un des moyens
d'améliorer l'espèce humaine.
Et de lui faire accéder, sinon à
l'immortalité, au moins à plusieurs
centaines d'années d'espérance de
vie. Ils fondent notamment leurs
espoirs sur les télomères.
rÔle des tÉlOmères
Les télomères ont été découverts
en 1984 par des chercheurs amé-
ricains auxquels ils ont valu de
recevoir, en 2009, le prix Nobel de
médecine. Les télomères sont les
extrémités de nos chromosomes,
ces pelotes d'ADN enroulées en
forme de X stockées dans les
noyaux de nos cellules. Ils pro-
tègent le programme génétique
des cellules. Quand nos cellules
se divisent, elles dupliquent leur
ADN. Mais lors de la duplication,
la pelote d'ADN s'effiloche aux
bouts : les télomères raccour-
cissent.
“Chez l'homme, au cours
de la vie, les télomères diminuent
de taille jusqu'à ce que les cellules
entrent en sénescence”
, explique
Michel Charbonneau, responsable
de l'équipe “télomères et stabilité
du génome” à l'université de Tours.
Quand, avec l'âge et la succession
des duplications, les télomères sont
trop courts, la cellule commence à
mal fonctionner, puis meurt. Les
tissus, faits de cellules, vieillissent
et les organes fonctionnent moins
bien. Le raccourcissement des télo-
mères serait un des mécanismes
expliquant le vieillissement et des
maladies de l'âge. Dès leur décou-
verte, les télomères sont devenus
une cible privilégiée des différentes
approches anti-âge. Si on parvenait
à les rallonger, ne pourrait-on pas
stopper le vieillissement ? De nom-
breuses recherches, très sérieuses,
ont été lancées sur la question. On
a notamment découvert que notre
corps fabrique naturellement une
enzyme, la télomérase, dont le tra-
vail consiste justement à retricoter
les télomères après la duplication
de l'ADN. Celle-ci n'est cependant
active que chez l'embryon. Évidem-
ment, on a cherché des moyens de
la réactiver chez l'adulte. Et on a
réussi ! En 2012, Maria Blasco, une
chercheuse du Centre de recherche
contre le cancer à Madrid, révélait
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Les tissus vieillissent
et les organes
fonctionnent
moins bien. Le
raccourcissement
des télomères serait
un des mécanismes
expliquant le
vieillissement.