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anform !

mai - juin 2016

ma

santé

de faire partie de l'arsenal théra-

peutique, en France comme ail-

leurs, elle devra faire preuve de son

efficacité et de son innocuité sur

l'homme. Et c'est làque ça coince,

comme l'explique Laurent Debar-

bieux, de l'Institut Pasteur.

“Au-

jourd'hui, seules quelques start-ups

ont investi dans les bactériophages.

Et elles manquent de moyens. Les

grosses firmes pharmaceutiques ne

semblent pas motivées às'engager

dans de lourds essais cliniques.”

Le retour sur investissement est, en

effet, encore incertain. Les bacté-

riophages existent à l'état naturel,

sont faciles à cultiver, purifier et

modifier génétiquement. Les bac-

tériophages, eux-mêmes issus de

la nature, ne sont pas brevetables.

Seuls des cocktails de phages, ou

des procédés, peuvent l'être. La

rentabilité du commerce des bac-

tériophages reste incertaine... Or, la

mise au point d'une nouvelle théra-

pie àbase de phages nécessite de

la recherche.

“Les bactéries et les

bactériophages évoluent constam-

ment, en s'adaptant l'un à l'autre,

précise Laurent Debarbieux.

Cela

signifie qu'une solution de bactério-

phages qui s'est montrée efficace

hier sur une collection de souches

bactériennes peut perdre de son

efficacité vis-à-vis de nouvelles

souches en quelques semaines,

mois ou années. Cela exige de

mettre au point continuellement de

nouvelles solutions.”

MÉDECINE SUR MESURE

Dernier aspect qui contribue au

manque d'enthousiasme des inves-

tisseurs : la législation. Aujourd'hui,

tout médicament administré à un

patient est le fruit d'un processus

de tests et d'homologation sur des

années.

“Le principe de la phago-

thérapie, c'est d'aller trouver dans

la nature le bactériophage capable

•••

de combattre la souche bactérienne

précise qui infecte un patient pré-

cis. Et de le lui administrer. C'est de

la médecine sur mesure”

, poursuit

Laurent Debarbieux. Impossible (et

inutile)de tester la solution virale sur

une large population ! Développer

la phagothérapie passe donc par un

nouveau modèle législatif, qui pour-

rait être long àmettre en place. Ces

inconvénients ne font pas reculer

tout le monde. En août 2015, une

start-up française a lancé le pre-

mier essai clinique d'envergure en

Europe. Baptisé Phagoburn, l'essai

est financé par l'Union européenne,

en collaboration avec le Service de

santé des armées français, le CHU

de Lausanne (Suisse)et l’Académie

militaire royale de Belgique. Environ

200 grands brûlés, dont les plaies

sont infectées, ont reçu un cocktail

composé de différents virus bacté-

riophages. Résultats attendus dans

environ 1 an.

© iStockphoto