

© WAVEBREAKMEDIA
mars - avril 2015
•
anform !
155
psycho
n’osent pas quitter le foyer.Elles y ont
leurs repères et craignent de tout perdre.
Elles ont peur du lendemain, peur de
porter plainte, peur des représailles,
ne savent pas comment subvenir aux
besoins des enfants.Il y a aussi la pres-
sion de la famille et de la religion, très
présente notamment chez les femmes
de 50 ans.”
Elles ont besoin d’être
écoutées, informées sur leurs droits et
accompagnées dans leurs démarches.
Elles trouveront ensuite une aide
psychologique, indispensable à leur
reconstruction.
“Les violences psycho-
logiques notamment, peuvent laisser
des séquelles irréparables si elles ne
sont pas traitées”
, alerte Sonia Tounsi,
psychologue clinicienne.
“Les consé-
quences de cette violence chronique
et insidieuse varient d’une personne
à l’autre, du vécu intime de chacune,
de son niveau de fragilité,d’isolement,
de distanciation.En plus de la blessure
narcissique repérable dans la majorité
des situations,on trouve une variétéde
symptômes d’un état dépressif et/ou
anxieux et l’existence d’une mémoire
traumatique (sentiment d’insécurité,
vision négative de l’avenir, ressasse-
ment, hypervigilance…
”Le travail psy-
chothérapique permet
“de les aider à
exprimer la honte, la culpabilité, la co-
lère,mais aussi les sentiments ambiva-
lents de haine et d’amour envers leurs
conjoints.Il s’agira, au fil des séances,
de les aider à se dégager d’un état
de sidération qui fige les émotions,
la pensée, les souvenirs, le rapport à
l’autre. Cela permettra de revenir à
l’histoire personnelle et d’essayer de
comprendre comment la personne
est entrée dans ce type de relation
destructrice.Comment elle s’est sura-
daptée”.
rESTAUrEr SON ImAgE
À l’association, elles peuvent se
détendre dans un espace couvert
donnant sur une petite cour, partager
une boisson chaude… Rompre avec
l’isolement. Être écoutées sans être
jugées. Une fois par semaine, elles
peuvent assister à des groupes de
parole. Objectif : bénéficier du sou-
tien et de l’expérience des autres.
“J’ai décidé d’arrêter
de pardonner”
Après 15 ans de vie com-
mune, le bonheur a peu à
peu laissé place à la violence
physique et morale. Un
jour, j’ai décidé d’arrêter de
pardonner. C’est l’assistante
sociale du quartier et la gen-
darmerie qui m’ont orientée
vers l’association Forces.
C’était il y a 1 an. Là, ils m’ont
aidée à me détacher de mon
compagnon, à trouver des
solutions financières aussi, car
j’ai 3 enfants (de 6, 3 et 1 an).
Ils ont beaucoup souffert.
Et je suis seule. Pas d’amis
(beaucoup n’ont pas voulu
prendre parti), peu de soutien
familial. Aujourd’hui, je suis
toujours suivie par la psycho-
logue, 2 fois par semaine. J’ai
parfois des coups de blues.
On n’oublie pas quelqu’un
du jour au lendemain. Nous
sommes en cours de procé-
dure pour garde partagée. Ça
prend du temps. Mais je tiens
bon. Je suis obligée, pour
les enfants. Et puis, je me dis
qu’il y a pire que moi et j’aide
d’autres femmes victimes
de violences. L’association
m’encourage pour passer
une formation et reprendre
le travail. Ils m’aident à
m’organiser. Quant à “refaire
ma vie”, pour l’instant je ne
l’envisage pas. La confiance,
ça va prendre du temps. Mais
il ne faut jamais dire jamais.
Julienne, 33 ans
•••