

78
anform !
•
janvier - février 2017
utilisés lors de l’avènement de la
télévision. Aujourd’hui, les scienti-
fiques ont une approche plus fine de
l’impact du numérique sur le déve-
loppement cérébral des enfants.
Ils ont confirmé les conclusions de
Michel Serres. Le numérique est, en
effet, un bond cognitif pour ses utili-
sateurs. Leur cerveau n’est pas diffé-
rent, mais il est utilisé différemment.
Dans une étude publiée en 2015,
le chercheur Olivier Houdé parle de
“TGV cognitif” qui envoie les infor-
mations de l’écran collectées par
l’œil directement vers le pouce qui
navigue sur l’écran. Ce système
mobilise le cortex préfrontal qui
améliore la rapidité de décision en
lien avec les émotions. En revanche,
il inhibe la partie
du
cerveau
qui gère la
prise
de
recul et la
résistance
cognitive.
Les temps
de réaction
sont
bien
plus lents. Par extension, les enfants
du numérique ont une toute nou-
velle gestion du temps, tributaire du
temps de chargement d’une page
web ou d’une application. Cette
gestion des informations explique
pourquoi la lecture est différente,
“bondissante” pour saisir rapi-
dement les informations qui
paraissent importantes.
utilisation
équilibrée
En revanche, trop sol-
licitée, cette capacité
peut, en effet, se muer
en trouble cognitif et pro-
voquer des troubles de l’at-
tention, la prise de décisions
absurdes, parfois collectives
et une certaine impulsivité. La
solution d’Olivier Houdé est d’ensei-
gner aux enfants à résister. Les
entraîner, à l’école notamment, à
remettre en service la partie du cer-
veau qui gère le contrôle cognitif par
le raisonnement, la catégorisation,
pour apprendre au cerveau à résister
“à sa propre déraison”. De danger,
le numérique qui est inévitable doit
tout simplement faire l’objet d’un
apprentissage et d’une utilisation
équilibrée entre le cortex préfrontal
et les autres parties cérébrales. Cer-
taines études proscrivent l’utilisation
du numérique dans certaines condi-
tions. Si les développeurs Web
de la Silicon Valley, eux-mêmes,
tiennent leurs petits en dehors
des écrans, c’est parce qu’il a
été prouvé que l’exposition aux
écrans des enfants entre la
naissance et l’âge de 6 ans
provoque des troubles cogni-
tifs importants, voire majeurs.
Les conséquences : des troubles
moteurs, une défaillance cognitive
(l’enfant ne réagit plus aux stimulus
de son environnement comme il le
devrait mais uniquement à ceux de
l’écran), et des troubles du langage.
D’autre part, une étude norvégienne
appelle à la limitation de l’utilisation
des appareils dans une journée. Des
adolescents exposés à plus de 4 ap-
pareils différents dans la journée
s’exposent à des troubles du som-
meil. Alors qu’ils devraient dormir 7
à 8 h pour être opérationnels, ils ne
dorment que 5 h. Le risque devient
avéré quand l’utilisation de l’écran
se fait 1 h avant d’aller au lit. Elle
retarde le moment de l’endormisse-
ment et favorise un sommeil agité.
ÀTaïwan, par exemple, le parlement
a voté une amende pouvant aller
jusqu’à 1 400 euros pour les parents
qui laissent les enfants abuser des
écrans et objets connectés !
•••