

février - mars 2017
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anform !
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sonnes issues de l’ère de l’ana-
logique et qui ont dû procéder à
une migration vers le numérique
avec une utilisation maladroite et
souvent parcellaire. Toutefois, les
immigrants ont appris à s’adapter
très rapidement, notamment grâce
à des applications et des outils de
plus en plus intuitifs. Il y a aussi un
fossé générationnel et une course
technologique entre les premiers
immigrants aujourd’hui cinquan-
tenaires, les premiers natifs du
numérique, 25-40 ans, et ceux qui
font désormais partie de la “Géné-
ration Z”, les 12-24 ans.
INDIVIDUS MULTITÂCHES
Dans les années 2000, les sociolo-
gues et psychologues technophiles
ont été les premiers à s’extasier des
potentialités énormes qu’internet
mettait à disposition des enfants.
Aujourd’hui, enfants, adolescents
et jeunes adultes vivent entourés
d’appareils connectés, baignent
dans le Wi-Fi et le Bluetooth. Quand
ils délaissent leur smartphone,
c’est pour attraper une tablette,
tout en recherchant autre chose sur
leur ordinateur portable. Et, en cas
de panne, ils filent sur leur console
de jeu vidéo. Michel Serres, phi-
losophe et historien des sciences
a publié des tribunes dithyram-
biques sur l’utilisation éducative
des écrans. Il a été le premier à
évoquer le décloisonnement des
connaissances. Avant internet,
l’apprentissage était fléché par les
livres et les orientations scolaires.
Internet abolit ces barrières par la
magie des liens hypertextes. Se
spécialiser n’a plus de sens quand
on a la possibilité d’acquérir plu-
sieurs connaissances pratiques à
la fois. L’exemple majeur de cela
est la folie des tutos vidéo ou écrits.
Plus besoin d’un CAP coiffure pour
se faire une jolie tresse pour une
grande occasion. Les jeunes filles
apprennent à se maquiller sur inter-
net grâce à une mise en commun
des savoirs pratiques. Une révolu-
tion qui a bousculé les fondements
de l’école et du savoir théorique.
Les enfants veulent apprendre des
choses concrètes susceptibles de
leur servir dans la vie. Cela crée des
individus multitâches, capables de
gérer plusieurs choses en même
temps, d’acquérir plusieurs savoirs
à la fois. À un tel point que plu-
sieurs spécialistes de l’éducation
demandent une évolution de la
scolarité, pour qu’elle implique un
volet connecté et des formations
encadrées sur internet qui vien-
draient compléter l’enseignement
théorique traditionnel de l’école.
Cette évolution permettrait aussi de
réconcilier les enfants avec le sys-
tème scolaire qui pour l’instant ne
suit pas leur rythme.
BOND COGNITIF
Les tout premiers sociologues,
psychologues et neurologues qui
se sont penchés sur la question
de l’utilisation du numérique par
les enfants ont été extrêmement
pessimistes. Désocialisation,
perte cognitive, deshumanisation,
brouillage des frontières morales,
difficulté de contrôle des contenus.
Internet représentait clairement un
danger pour l’éducation et l’évo-
lution des enfants. Ce sont exac-
tement les arguments qui ont été
utilisés lors de l’avènement de la
télévision. Aujourd’hui, les scienti-
fiques ont une approche plus fine de
l’impact du numérique sur le déve-
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