

décembre - janvier 2017
•
anform !
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plus méritant, entrant dans un jeu
où l’exigence n’a plus de limite et
où l’amour filial est conditionné par
la quantité ou la qualité du cadeau.
De la même manière, couvrir son
enfant de cadeaux n’a jamais été
un bon moyen d’obtenir sa sagesse
ou sa coopération, car parents et
enfants rentrent alors dans un jeu
pervers de donnant-donnant où cha-
cun achète l’autre.
Compenser
“Parce qu’ils n’ont plus de temps
à consacrer à leurs enfants, plus le
temps de leur manifester leur amour
ou parce qu’ils se sentent coupables
de privilégier un des enfants de la
fratrie, ou leurs propres activités… les
parents ont tendance à compenser en
les couvrant de cadeaux, tentant de
se déculpabiliser”
, explique Raphaël
Spéronel, psychologue. Beaucoup
de parents également ne savent pas
dire non à leur enfant. Et de ce point
de vue-là, le vécu du parent joue
à plein. Un parent qui avait peu de
jouets étant enfant va avoir tendance
à offrir davantage à ses propres
enfants, car Noël est l’occasion de
replonger dans sa propre enfance et
de rattraper nombre de frustrations
passées. En témoignent ces nom-
breux cadeaux que nous faisons à
nos enfants, qui ne sont que le reflet
de nos propres envies et marquent
notre propre plaisir. À l’inverse, un
parent qui, enfant, a été très gâté, a
parfaitement mesuré que le bonheur
n’est pas proportionnel au nombre de
cadeaux. Gâter à l’excès un enfant ne
le rendra pas heureux. Au contraire. Il
s’ensuivra une frustration permanente
et des besoins accrus. Le parent doit
déculpabiliser de ne pas tout offrir à
son enfant qui risque de faire l’amal-
game entre le cadeau et l’amour
qu’on lui porte. Pourtant, dans une
société marquée par la compétition
et l’avoir, la tendance est à mesurer
l’amour des parents à la quantité des
cadeaux, tandis que leur amour à
eux se marque par de bonnes notes
à l’école.
jouer en famille
Offrir des cadeaux apparaît bien
souvent pour les parents comme un
moyen de s’assurer l’amour de l’en-
fant, de le rendre heureux et d’être
ainsi de bons parents. Pourtant, il
existe des alternatives pour faire plai-
sir à son enfant : lui proposer une sor-
tie, une séance de cinéma, un spec-
tacle…qui seront le lieu et l’occasion
d’un échange humain, tant avec sa
famille qu’avec d’autres personnes,
et constitueront une ouverture. Les
parents doivent discuter avec l’enfant,
l’aider à hiérarchiser ses choix, dé-
couvrir ce qui lui plaît vraiment, l’inci-
ter à faire une liste raisonnée. Il est
bon que l’enfant émette des souhaits
qui ne seront pas forcément satisfaits.
Cela ouvre la porte au rêve et lui ap-
prend à projeter dans le futur la satis-
faction possible de ses envies. Pour
les enfants plus âgés, le choix des ca-
deaux peut faire l’objet d’une discus-
sion. Par exemple, mettre en regard
jouets et vacances ou activités. Cer-
tains psychologues recommandent
aux parents d’offrir à leur enfant un
jouet qui permette de créer des liens
humains, comme les jeux de société,
un ballon, un panneau de basket,
car ce dont les enfants manquent le
plus souvent n’est pas de jouets mais
de jouer en famille…
“L’acte d’offrir
reste important au-delà de la matéria-
lité. Et même si Noël est envahi par
le consumérisme, c’est avant tout un
espace culturel et cultuel de don. Et
tout don est avant tout don de soi,
d’affection, de lien, de convivialité,
d’attachement. Le cadeau est alors
la symbolique d’une reconnaissance
et d’une appartenance. Nous avons
tous besoin de ce geste de don”
,
conclut Raphaël Spéronel.