Previous Page  49 / 68 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 49 / 68 Next Page
Page Background

décembre - janvier 2017

anform !

49

plus méritant, entrant dans un jeu

où l’exigence n’a plus de limite et

où l’amour filial est conditionné par

la quantité ou la qualité du cadeau.

De la même manière, couvrir son

enfant de cadeaux n’a jamais été

un bon moyen d’obtenir sa sagesse

ou sa coopération, car parents et

enfants rentrent alors dans un jeu

pervers de donnant-donnant où cha-

cun achète l’autre.

Compenser

“Parce qu’ils n’ont plus de temps

à consacrer à leurs enfants, plus le

temps de leur manifester leur amour

ou parce qu’ils se sentent coupables

de privilégier un des enfants de la

fratrie, ou leurs propres activités… les

parents ont tendance à compenser en

les couvrant de cadeaux, tentant de

se déculpabiliser”

, explique Raphaël

Spéronel, psychologue. Beaucoup

de parents également ne savent pas

dire non à leur enfant. Et de ce point

de vue-là, le vécu du parent joue

à plein. Un parent qui avait peu de

jouets étant enfant va avoir tendance

à offrir davantage à ses propres

enfants, car Noël est l’occasion de

replonger dans sa propre enfance et

de rattraper nombre de frustrations

passées. En témoignent ces nom-

breux cadeaux que nous faisons à

nos enfants, qui ne sont que le reflet

de nos propres envies et marquent

notre propre plaisir. À l’inverse, un

parent qui, enfant, a été très gâté, a

parfaitement mesuré que le bonheur

n’est pas proportionnel au nombre de

cadeaux. Gâter à l’excès un enfant ne

le rendra pas heureux. Au contraire. Il

s’ensuivra une frustration permanente

et des besoins accrus. Le parent doit

déculpabiliser de ne pas tout offrir à

son enfant qui risque de faire l’amal-

game entre le cadeau et l’amour

qu’on lui porte. Pourtant, dans une

société marquée par la compétition

et l’avoir, la tendance est à mesurer

l’amour des parents à la quantité des

cadeaux, tandis que leur amour à

eux se marque par de bonnes notes

à l’école.

jouer en famille

Offrir des cadeaux apparaît bien

souvent pour les parents comme un

moyen de s’assurer l’amour de l’en-

fant, de le rendre heureux et d’être

ainsi de bons parents. Pourtant, il

existe des alternatives pour faire plai-

sir à son enfant : lui proposer une sor-

tie, une séance de cinéma, un spec-

tacle…qui seront le lieu et l’occasion

d’un échange humain, tant avec sa

famille qu’avec d’autres personnes,

et constitueront une ouverture. Les

parents doivent discuter avec l’enfant,

l’aider à hiérarchiser ses choix, dé-

couvrir ce qui lui plaît vraiment, l’inci-

ter à faire une liste raisonnée. Il est

bon que l’enfant émette des souhaits

qui ne seront pas forcément satisfaits.

Cela ouvre la porte au rêve et lui ap-

prend à projeter dans le futur la satis-

faction possible de ses envies. Pour

les enfants plus âgés, le choix des ca-

deaux peut faire l’objet d’une discus-

sion. Par exemple, mettre en regard

jouets et vacances ou activités. Cer-

tains psychologues recommandent

aux parents d’offrir à leur enfant un

jouet qui permette de créer des liens

humains, comme les jeux de société,

un ballon, un panneau de basket,

car ce dont les enfants manquent le

plus souvent n’est pas de jouets mais

de jouer en famille…

“L’acte d’offrir

reste important au-delà de la matéria-

lité. Et même si Noël est envahi par

le consumérisme, c’est avant tout un

espace culturel et cultuel de don. Et

tout don est avant tout don de soi,

d’affection, de lien, de convivialité,

d’attachement. Le cadeau est alors

la symbolique d’une reconnaissance

et d’une appartenance. Nous avons

tous besoin de ce geste de don”

,

conclut Raphaël Spéronel.