

décembre - janvier 2017
•
anform !
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(lenteur, difficultés à l’abstraction,
impulsivité, hyperactivité) sont plus
difficiles à identifier. C’est souvent
au moment de la scolarisation qu’ils
apparaissent. Pourtant, il est néces-
saire de les dépister tôt pour mettre en
place une prise en charge adaptée et
éviter des troubles du comportement
secondaires, comme le décourage-
ment, le manque de confiance en soi,
l’irritabilité, etc.
“Les conséquences
de la prise d’alcool pour l’enfant vont
dépendre de la quantité d’alcool
ingérée, du stade de la grossesse et
de multiples autres facteurs,
précise
le médecin.
Mais aujourd’hui, il est
impossible de définir un seuil de pré-
caution. Le message est donc clair :
zéro alcool pendant la grossesse.”
Lésions évitables
Irréversibles, les lésions causées
par l’alcool sur les enfants sont
pourtant évitables. La seule solution
aujourd’hui est donc la prévention.
Et la formation des professionnels.
“Une enquête de 2015montre qu’un
quart de la population pense encore
que boire un verre de temps en
temps pendant la grossesse n’est pas
grave”
, souligne l’addictologue. Une
ignorance qui peut être désastreuse
lorsque l’on sait que le risque est
quasiment certain pour les femmes
enceintes ayant déjà eu un enfant
atteint de Saf et qui continuent à
consommer de l’alcool. Du côté des
professionnels, la prise en charge des
femmes enceintes ou en âge d’avoir
des enfants susceptibles de consom-
mer de l’alcool nécessite également
d’être améliorée et surtout coordon-
née.
“Les professionnels sont usés,
raconte Annick Maillot, éducatrice
spécialisée qui œuvre pour la prise en
charge des femmes depuis 15ans.
Ils
se sentent souvent très seuls. Quelle
est la procédure ? Où orienter ces
femmes ? Quels sont les relais de
proximité ? Notre boulot, c’est de
“désisoler” ces femmes.”
Mais pour
cela, il faut un réseau de profession-
nels formés au dépistage précoce.
Depuis peu, une dynamique se met
en place dans le cadre du projet
régional de prévention et d’accompa-
gnement du Saf, porté par l’Agence
régionale de santé Océan Indien. Le
projet réunit différents partenaires,
comme le CHU, l’association du père
Favron et l’Association nationale de
prévention en alcoologie et addicto-
logie (Anpaa). Celle-ci a d’ailleurs re-
cruté, dans le cadre du projet, 2 édu-
catrices spécialisées, dont Annick
Maillot et 2 sages-femmes.
“Notre
travail sera de recevoir les femmes
ou d’aller les voir là où elles se
trouvent et de les orienter au mieux
en fonction de leurs demandes : un
service d’addictologie, une assis-
tante sociale, une consultation de
pédiatre, etc.”
Toujours dans le cadre
de ce projet régional, un centre de
ressource dirigé par le professeur en
génétique Bérénice Doray a été mis
en place en octobre 2016, avec pour
objectifs, entre autres, de développer
des données épidémiologiques sur
les troubles causés par l’alcoolisation
fœtale (TCAF) à La Réunion et d’éta-
blir des référentiels. Un questionnaire
a d’ores et déjà été distribué aux
femmes lors de leur consultation pré-
natale dans le service de gynécologie
obstétrique du CHUSud pour faire un
point sur la situation médico-psycho-
sociale des femmes enceintes à La
Réunion. Sur 200 femmes interro-
gées, 72 % seulement disent avoir
entendu parler du
“zéro alcool pen-
dant la grossesse”
et 8 % déclarent
boire encore. Des chiffres que le
centre de ressource entend bien
compléter mais qui montrent déjà
l’urgence de la situation. Une étude
récente de l’observatoire régional de
santé intitulée
“Les Réunionnais et
l’alcool”
montre que 29%des jeunes
filles de 17 ans déclarent une “alcoo-
lisation ponctuelle importante” dans
le mois, 7 % plusieurs fois par mois.
“Chez les jeunes filles, on constate
une augmentation de la consomma-
tion massive et ponctuelle d’alcool,
s’inquiète le Dr Christian Daffreville.
Ces jeunes filles en âge de procréer
sont parfois enceintes et ne le savent
pas. Leur consommation d’alcool est
alors potentiellement dangereuse
pour leur fœtus.”
Des journées pour se former et s’informer
L’Association nationale de prévention en alcoologie et
addictologie 974 propose en décembre une formation
gratuite au repérage précoce et à l’intervention brève pour
les travailleurs sociaux et les professionnels de santé de
premier recours (éducateurs de rue, médecins, pharmaciens,
infirmiers, sages-femmes, gynécologues…). Le 8 décembre
dans le centre d’addictologie de Saint-Denis, le 9 à Saint-
Pierre, le 12 au Port et le 13 à Saint-André. Inscription et
renseignements :
Anne-Christine.BERRY@anpaa.asso.fr