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anform !
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août - septembre 2016
tique, en France comme ailleurs, elle
devra faire preuve de son efficacité et
de son innocuité sur l'homme. Et c'est
là que ça coince, comme l'explique
Laurent Debarbieux, de l'Institut Pas-
teur.
“Aujourd'hui, seules quelques
start-ups ont investi dans les bactério-
phages. Et elles manquent de moyens.
Les grosses firmes pharmaceutiques
ne semblent pas motivées à s'enga-
ger dans de lourds essais cliniques.”
Le retour sur investissement est, en
effet, encore incertain. Les bactério-
phages existent à l'état naturel, sont
faciles à cultiver, purifier et modifier
génétiquement. Les bactériophages,
eux-mêmes issus de la nature, ne sont
pas brevetables. Seuls des cocktails
de phages, ou des procédés, peuvent
l'être. La rentabilité du commerce des
bactériophages reste incertaine... Or,
la mise au point d'une nouvelle théra-
pie àbase de phages nécessite de la
recherche.
“Les bactéries et les bac-
tériophages évoluent constamment,
en s'adaptant l'un à l'autre,
précise
Laurent Debarbieux.
Cela signifie
qu'une solution de bactériophages
qui s'est montrée efficace hier sur une
collection de souches bactériennes
peut perdre de son efficacité vis-à-vis
de nouvelles souches en quelques
semaines, mois ou années. Cela exige
de mettre au point continuellement de
nouvelles solutions.”
médecine sUR mesURe
Dernier aspect qui contribue au
manque d'enthousiasme des investis-
seurs : la législation. Aujourd'hui, tout
médicament administré à un patient
est le fruit d'un processus de tests et
d'homologation sur des années.
“Le
principe de la phagothérapie, c'est
d'aller trouver dans la nature le bac-
tériophage capable de combattre la
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souche bactérienne précise qui infecte
un patient précis. Et de le lui adminis-
trer. C'est de la médecine sur mesure”
,
poursuit Laurent Debarbieux. Impos-
sible (et inutile) de tester la solution
virale sur une large population ! Déve-
lopper la phagothérapie passe donc
par un nouveau modèle législatif, qui
pourrait être long à mettre en place.
Ces inconvénients ne font pas recu-
ler tout le monde. En août 2015, une
start-up française a lancé le premier
essai clinique d'envergure en Europe.
Baptisé
Phagoburn
, l'essai est financé
par l'Union européenne, en collabo-
ration avec le Service de santé des
armées français, le CHU de Lausanne
(Suisse) et l’Académie militaire royale
de Belgique. Environ 200 grands brû-
lés, dont les plaies sont infectées, ont
reçu un cocktail composé de différents
virus bactériophages. Résultats atten-
dus dans environ 1 an.
© IStOCKpHOtO
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