

août - septembre 2015
•
anform !
103
psycho
N
ous avons tous des rêves
enfouis, des projets ina-
chevés ou inavoués que
l'on porte en soi avec
regrets.
“Le fantasme est une activité
psychique importante qui peut orien-
ter nos conduites”
, décrit Freud. Les
fantasmes présentent un intérêt cer-
tain car ils dévoilent des désirs plus
ou moins conscients. Ils sont un des
ressorts de l'action. Ces rêves, désirs
ou fantasmes peuvent un jour faire
surface, par une prise de conscience
que leur réalisation peut maintenir
l'équilibre psychique ou redonner un
véritable sens à l'existence. Parfois,
nous pouvons avoir le sentiment de ne
plus être ànotre place, d'être passé à
côté de quelque chose, ou que notre
vie manque de sens…
L’HEURE DU BILAN
Dans ce processus psychique de
“tout
plaquer pour tout recommencer”
, on
pressent une prise de conscience,
comme si on regardait sa vie diffé-
remment. On plonge au fond de soi
sans se raconter d'histoires. Souvent,
il y a un “effet déclic”, comme pour le
témoignage de Sandrine (voir enca-
dré). C’est un événement, comme
le décès de sa meilleure amie, qui
vient débloquer, déverrouiller quelque
chose d'enfoui en elle. Cet événement
peut être une rupture, un divorce, un
deuil, un accident, un licenciement…
Nous sommes tous confrontés à des
bouleversements, des difficultés qui
nécessitent une réorganisation. Et
nous devons déployer des stratégies
d'adaptation particulières. Parfois, il
peut exister des prises de conscience
sur soi-même, le sens que l'on donne à
sa vie, l'heure des bilans, des remises
en question qui peuvent permettre de
grands changements de vie. Comme
dans toute situation de la vie, le prin-
cipe de réalité n'est pas très loin de
la notion de plaisir. Le fantasme se
confronte donc à la réalité : établir un
plan d'action pour parvenir à la réali-
sation de son projet. Dans la psycha-
nalyse freudienne, la réalité consiste
àprendre en compte les exigences du
monde réel et les conséquences de ses
actes. Autrement dit, lorsqu'on décide
de tout plaquer pour partir vivre àl'autre
bout du monde, encore faut-il avoir
quelques économies pour la réalisation
de son projet ! Il ne s'agit pas de quit-
ter un travail dans lequel vous ne vous
épanouissez pas pour rester sur votre
canapé devant la télévision dans un
état psychique figé et de procrastiner.
Il faut donc admettre l’existence des
renoncements nécessaires (vivre loin
de ses proches, quitter ses commodi-
tés, faire des économies, reprendre ses
études, quitter un conjoint…).
AU BOUT DE SES PROJETS
Car il n'est pas non plus question de vou-
loir être dans la fuite et l'évitement de si-
tuations de vie difficiles ou de confondre
“recommencer sa vie àzéro” avec “fuir
la vérité et la réalité”. En effet, très sou-
vent les personnes qui plaquent tout
et ne regrettent rien, sont celles qui se
confrontent àune réalité en amorçant un
nouveau projet de vie avec des objectifs
àatteindre. Les écueils de la vie peuvent
donc permettre de se réinventer, d'entre-
prendre, de puiser en soi afin de trouver
les ressources nécessaires pour réaliser
ses rêves. Tout plaquer pour recommen-
cer sa vie… Oui, mais en allant au bout
de ses projets. Le monde appartient à
ceux qui rêvent trop !
“Je n’étais pas
heureuse dans ce
rôle d’avocate”
Petite fille, j'ai toujours aimé
cuisiner. Je rêvais d'ouvrir un
restaurant. hélas, j'ai choisi
une autre voie profession-
nelle pour faire plaisir à mon
père avocat qui voulait que
je reprenne le cabinet avec
lui. J'ai donc obtenu mon
diplôme avec brio et j'ai
repris le flambeau fami-
lial. Une route déjà tracée
pour moi. Un matin, mon
téléphone a sonné. c'était
la mère de ma meilleure
amie m'annonçant que
Sophie était décédée d'un
AVc, dans la nuit. J'ai pris
conscience, à ce moment-là,
de la fragilité de la vie, et
que nous devons réaliser nos
rêves tant qu'il en est encore
temps. ce deuil fût très
difficile à vivre. Je me sentais
comme obligée d'ouvrir les
yeux sur ma propre vie. Ma
carrière était devenue trop
stressante et chronophage.
Je n'étais pas heureuse dans
ce rôle d'avocate. J'ai donc
repris mes études à 33 ans.
J'ai quitté le cabinet et je
me suis réorientée vers un
baccalauréat professionnel
dans l’hôtellerie. J’ai repris
des cours de cuisine, et là je
me sentais enfin moi-même !
Aujourd'hui, je viens de
réaliser mon rêve. J'ai ouvert
un petit bistrot parisien avec
mon compagnon et je suis
très heureuse et épanouie
dans ma cuisine. J'ai tout
plaqué et sans aucun regret !
Sandrine, 37 ans