

décembre - janvier 2015
•
anform !
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Les chiffres et les données
de l'addiction dans l'île
sont-ils les mêmes qu'ailleurs ?
Oui. Il existe toutefois des spécificités
réunionnaises qui sont importantes à
prendre en compte. L'alcool est ainsi
une priorité de santé publique dans
notre région qui se place parmi les pre-
mières à l'échelle nationale en termes
de morbi-mortalité. Le cannabis, dont
l’usage est banalisé dans notre île, est
fumé sous forme d'herbe. En Métropole,
il est surtout consommé sous forme
de résine, mélangé à du tabac. Du fait
de la moindre disponibilité de drogues
exogènes comme la cocaïne, l'héroïne,
le MDMA (ecstasy), les usagers ont
pris l'habitude de détourner de leur
usage médical un certain nombre de
médicaments psychotropes comme
l'Artane et le Rivotril, souvent mélangés
à de l'alcool ou avec du zamal, ce qui
augmente le risque de troubles du
comportement avec passage à l'acte
favorisé. Mais il ne faut pas oublier que
l'addiction la plus meurtrière demeure
le tabac ! Il fait à lui seul deux fois plus
de victimes que l'alcool, mais de façon
plus silencieuse et sournoise, sans
violences. Avec près de 900 décès tous
les ans à La Réunion, les addictions
constituent la première cause de morta-
lité évitable.
Quels sont les moyens mis
en œuvre (service public,
secteur privé, associations...) ?
L'addiction est une maladie chronique,
un peu comme le diabète, l'hyperten-
sion ou l'asthme. L'objectif n'est pas
de guérir (comme on ne guérit pas
du diabète), mais d'apprendre à vivre
avec son addiction. Ce sera parfois
le maintien de la modération ou plus
souvent de l'abstinence. Même si les
Dossier
structures sont insuffisantes au regard
des besoins (les pathologies addictives
sont les moins soignées de toutes les
pathologies), nous avons la chance
d'avoir à La Réunion un dispositif plus
étoffé que la moyenne nationale. Ce
sont des centres de soins ambulatoires.
Les Centres de soins d'accompagne-
ment et de prévention en addictologie
(CSAPA)présents dans les principales
communes, des services hospitaliers
spécialisés aux 4 coins de l'île ainsi
qu'une clinique dans l'Ouest dédiée
à l'addictologie. Nous avons des
associations comme les Alcooliques
anonymes présents depuis plus de
40 ans à La Réunion, Ancre au Tampon,
Les maillons de l'espoir à Saint-Denis et
aussi Vie libre dans le Sud...
La prévention est-elle suffisante
et efficace ? Que faire de plus
ou autrement ?
Les pratiques addictives débutent avant
l'âge adulte dans 90% des cas. Il faut
donc agir pendant l'adolescence et sur-
tout commencer la prévention avant !
Or, en France, on ne consacre que
6,4% des ressources de santé à la pré-
vention. Et elle dépend encore trop du
bon vouloir des équipes pédagogiques
de chaque établissement. La prévention
devrait, à mon avis, être une matière
intégrée au cursus scolaire du primaire
et du secondaire. ÀLa Réunion, des
équipes de prévention professionna-
lisées de structures comme le CSAPA
Kaz'oté basé à Saint-Paul (qui intervient
dans les écoles, dans les établisse-
ments pénitentiaires, auprès des jeunes
en difficulté), du réseau Santé addic-
tions outre-mer (Saome)et de l'ANPAA
sont particulièrement compétentes
et actives mais avec des moyens qui
demeurent modestes.
qui impliquent notre mémoire, nos
fonctions exécutives. Nous devenons
ainsi incapables d'inhiber certains com-
portements (“c'est plus fort que moi !”).
Nous devenons très réceptifs à certains
stimulus (la vision d'un briquet pour
un fumeur, le logo PMUpour un joueur
addict à ces jeux, certains endroits, des
situations…). C'est un peu comme si
notre cerveau, à l'image d'un ordina-
teur, avait été victime d'un piratage
informatique !
Risquons-nous tous de devenir
accro à quelque chose ? Y a-t-il
un aspect héréditaire dans ces
pathologies ?
La dépendance est dans la nature
humaine mais nous ne sommes pas
égaux devant le risque de développer
une addiction. Cela dépend de plusieurs
facteurs. La part des gènes est de l'ordre
de 30à 60%. Mais attention, il s'agit
plus d'une vulnérabilité qu'un détermi-
nisme génétique comme pour la muco-
viscidose, la myopathie de Duchenne ou
la drépanocytose. L'existence de patho-
logies psychiatriques (troubles anxieux,
dépression), de troubles psychologiques
et l'influence de l'environnement ont
également un rôle important. Pour mieux
rendre compte de l'addiction, il est
important de l'envisager d'une manière
globale, complexe, selon une approche
que les spécialistes qualifient de biopsy-
chosociale.
Comment savoir quand
commence l’addiction ?
Ce qui doit alerter, ce sont des compul-
sions pour le comportement concerné,
des pertes de contrôle qui se répètent de
manière fréquente et se poursuivent mal-
gré les conséquences négatives (famille,
travail, santé, loisirs).