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mai - juin 2016

anform !

163

© tacoN johaNN

3 QUESTIONS À…

Alizée Ricardou,

chargée de

mission au Groupe d’études et

de protection des oiseaux en

Guyane (Gepog)

Où en est la recherche scientifique

sur le coq-de-roche guyanais ?

cet oiseau a fait l’objet d’un

programme européen intitulé “Life

+ cap Dom” mis en place de 2010 à

2015. ce projet, financé entre autres

par la commission européenne, le

ministère de l’Écologie et la Région

Guyane, a réuni de nombreux parte-

naires et offert des moyens humains,

techniques et financiers pour agir en

faveur des oiseaux et des habitats

menacés des Dom.

Quelles actions ont été menées ?

Nous avons tout d’abord effectué

des recherches sur la biologie,

l’écologie et la dynamique des

populations d’oiseaux puis identifié

les grottes de reproduction et les

habitats d’alimentation, réalisé des

prospections, des enquêtes ou en-

core bagué et radio-pisté quelques

individus. Nous avons également

évalué l’impact des visiteurs sur leur

comportement en comparant le site

de kaw à un site inconnu des tou-

ristes. Enfin, les discussions menées

entre les partenaires ont permis de

trouver des solutions pour concilier

la conservation de l’espèce au sein

du massif forestier partagé et des

activités humaines.

Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Le projet a abouti à la revalorisation

du statut du coq-de-roche car depuis

2015, c’est l’espèce et son habitat

qui sont intégralement protégés. De

plus, un guide technique est désor-

mais à la disposition des porteurs

de projet en Guyane (exploitants

forestier ou minier, tourisme…) afin

qu’ils intègrent les recommandations

qui y sont exposées dans le but de

garantir le maintien de l’espèce tout

en valorisant le développement du

département.

plus d’infos :

www.gepog.org

- www.lifecapdom.

org

tefois de quitter son lek*s’il est trop dé-

rangé.De

plus,lemoindre changement

dans son aire de répartition, étroite et

morcelée,peut avoir des répercussions

sur sa conservation. Ainsi, le partage

de son territoire avec des exploitations

forestières ou minières menace égale-

ment ses effectifs.

Un habitat peu accessible

Coq-de-roche orange ou coq-des-bois,

cet oiseau que les scientifiques pré-

fèrent nommer

Rupicola rupicola

ou

Rupicole orangé, tire son nom de son

habitat et de son attitude rappelant

celle des coqs de nos basse-cours.

Habitant des forêts primaires denses et

humides, il occupe les zones monta-

gneuses de type inselberg*du plateau

des Guyanes. Une autre espèce, Rupi-

cola peruviana, vit, quant à elle, sur

les contreforts des Andes péruviennes.

Frugivores, ces oiseaux participent ac-

tivement àla dynamique de la forêt en

assurant la reproduction de plus d’une

centaine d’espèces d’arbres.

Une parade bruyante

Cachés au creux des lianes, ces oi-

seaux brisent parfois le silence relatif

de la forêt en émettant un légermiaule-

ment plaintif. Mais, quand arrive la sai-

son des amours en octobre-novembre,

il en va tout autrement. Manifestant

leur désir de s’accoupler, les mâles,

regroupés sur un lek, crient et étalent

leurs plumes ornées de noir et de blanc

dans le soleil qui perce çàet là l’obs-

curité du sous-bois. Figés pendant plu-

sieurs minutes, ils peuvent subitement

bondir, prêts àtout pour défendre leur

territoire et impressionner leur promise.

Passives, les femelles observent avec

grand intérêt le balancement laconique

de la tête et du croupion de ces pré-

tendants, pour choisir celui qui sera le

meilleur des danseurs. Elle lui signifiera

son intérêt en lui tirant sur les plumes

de derrière. Puis ils s’envoleront pour

s’accoupler hors du leket se sépareront

aussi rapidement que leur rencontre fut

brève. Les mâles ne s’occupant ni des

préparatifs de couvaison ni de la nutri-

tion des petits, ce sont les femelles qui

construiront seules le nid de boue et de

végétaux qui accueillera 1 ou 2 œufs.

À l’abri d’une paroi rocheuse, les pe-

tits seront nourris 1 mois durant, puis

s’envoleront en mars-avril àla conquête

sans doute de nouveaux territoires dans

l’immensité de la forêt tropicale.

*Lek: espace sur lequel une population d'oiseaux

vient parader et se reproduire.

*nselberg : relief résiduel rocheux aux pentes

abruptes, dominant une plaine d'érosion.

Coq-de-roche femelle