novembre - décembre 2014
•
anform !
47
© ISTOCHPHOTO
Dossier
Smartphones, écrans, jeu,
sexe, travail, shopping,
sport... Peut-on être accro
à n’importe quoi ?
Les termes“accro”et“addict”sont
entrés dans le langage courant et
sont employés de façon abusive.
Néanmoins,certains comportements
peuvent entraîner des addictions,
au même titre que les addictions
classiques dites“avec substances”
(alcool,tabac,cannabis,héroïne,
cocaïne,etc.).Les choses sont,par
exemple,scientifiquement bien
établies pour l'addiction aux jeux de
hasard et d'argent.
Les mécanismes sont-ils
toujours les mêmes ?
Au niveau cérébral,la voie finale
commune des addictions est le sys-
tème de récompense cérébral dont
le principal neuromédiateur est la
dopamine.Ce qui favorise les addic-
tions,ce sont des comportements
ou la prise de substances à l'origine
de sensations d'apparition rapide
et intenses (le flash d'héroïne,de
nicotine,les machines à sous,la rou-
lette,des jeux comme le Rapido...).
Les addictions entraînent d'autres
modifications de notre fonctionne-
ment cérébral qui impliquent notre
mémoire,nos fonctions exécutives.
Nous devenons ainsi incapables
d'inhiber certains comportements
(“c'est plus fort que moi !”).Nous
devenons très réceptifs à certains sti-
mulus (la vision d'un briquet pour un
fumeur,le logo PMUpour un joueur
addict à ces jeux,certains endroits,
des situations…).C'est un peu
comme si notre cerveau,à l'image
d'un ordinateur,avait été victime d'un
piratage informatique !
Risquons-nous tous de
devenir accro à quelque
chose ? Y a-t-il un aspect
héréditaire dans ces
pathologies ?
La dépendance est dans la nature
humaine mais nous ne sommes pas
égaux devant le risque de déve-
lopper une addiction.Cela dépend
de plusieurs facteurs.La part des
gènes est de l'ordre de 30 à 60%.
Mais attention,il s'agit plus d'une
vulnérabilité qu'un déterminisme
génétique comme pour la mucovis-
cidose,la myopathie de Duchenne
ou la drépanocytose.L'existence de
pathologies psychiatriques (troubles
anxieux,dépression),de troubles
psychologiques et l'influence de l'en-
vironnement ont également un rôle
important.Pour mieux rendre compte
de l'addiction,il est important de
l'envisager d'une manière globale,
complexe,selon une approche que
les spécialistes qualifient de biopsy-
chosociale.
Comment savoir quand
commence l’addiction ?
Ce qui doit alerter,ce sont des
compulsions pour le comportement
concerné,des pertes de contrôle qui
se répètent de manière fréquente et
se poursuivent malgré les consé-
quences négatives (famille,travail,
santé,loisirs).
Antilles-Guyane :
accros aux jeux
Une étude menée sur
le mode de vie de
2 500 adolescents de
Guadeloupe, Guyane
et Martinique révèle
que 9 adolescents sur
10 pratiquent des jeux
d’argent, en particulier
loto, jeux de grattage
et jeux de carte. 87 %
d’entre eux disent jouer
de temps en temps.
13 % avouent jouer
souvent. Parmi eux, 6 %
admettent que cette
pratique a des consé-
quences néfastes sur
leur santé.
Source : Sesag/DSDS, Étude des
modes de vie des adolescents aux
Antilles-Guyane, 2008.