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janvier - février 2017

anform !

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déchets de papier et de jardin…Autre

intérêt pour le champignon, c’est de

trouver dans la fourmi une sorte de

garde du corps contre d’autres préda-

teurs.Enfin,dans le nid,elle maintient

un environnement stable, particuliè-

rement favorable à la croissance du

champignon. D’ailleurs, ce sont les

reines qui construisent les nids et

chaque fois qu’elles partent pour en

reconstituer un nouveau ailleurs,elles

emportent un petit morceau de leur

indispensable champignon.

Solutions alternatives

Lutter contre ces fourmis est très

complexe. Tout simplement car elles

détectent immédiatement si un élé-

ment nocif est à proximité de la four-

milière. Utiliser un produit chimique

n’aurait d’autre effet que de tuer les

fourmis à l’extérieur et les survivantes

immédiatement quitteraient les lieux.

Il faut donc un produit à effet retardé.

“La lutte que nous proposons,

argu-

mente Philippe Mora du Laboratoire

Bioemco-Ibios de l’université Paris-Est

Créteil,

fait appel à des techniques

basées sur les particularités à la fois

biologiques de la fourmi manioc et

celles de la vie en symbiose avec

un champignon.”

Dès le début des

années 1970, l’Institut national de la

recherche agronomique (Inra)a lancé

des recherches contre cet insecte qui

proliférait de manière exponentielle.

“Deux principes ont alors été rete-

nus : créer un produit qui soit à la fois

attractif et nocif pour la fourmi mais

à retardement

, explique Gérard Hos-

tache de l’Inra.

Ce produit a été créé

et commercialisé sous forme de gra-

nulés et ses effets confirmés jusqu’au

moment où, dans les années 1990,

l’empoisonnement des terres au

chlordécone a eu pour conséquence

d’interdire la commercialisation de

tous les produits organochlorés.”

Les

chercheurs n’ont désormais d’autres

choix que de travailler sur des solu-

tions alternatives à partir de pro-

duits naturels. Dès 1987, des essais

furent tentés à partir de la pulpe de

calebasse fraîche. Si des effets sont

intéressants à petite échelle, dans un

jardin créole familial par exemple, les

résultats sur de grandes surfaces agri-

coles sont peu convaincants. De la

même manière l’utilisation de néma-

todes (petits vers ronds) n’a jamais

vraiment abouti.

Nouvelle arme

contre les fourmis

La mise en place d’une méthode

de lutte innovante apparaît donc

urgente. Aussi, les chercheurs du

laboratoire Bioemco–Ibios ont iden-

tifié une enzyme clef intervenant

dans le métabolisme du champignon

mais également de la fourmi. Cette

nouvelle méthode de lutte permet

l’utilisation d’appât inhibiteur d’ori-

gine naturelle avec très peu de risque

secondaire pour l’environnement et

la santé.

“Nous en sommes encore

au stade d’études,

poursuit Philippe

Mora. Et les premières expérimenta-

tions sont effectuées sur des colonies

maintenues en élevage. Dans un se-

cond temps, en collaboration avec les

Universités des Antilles et de Guyane,

l’Office national des forêts, la Fédéra-

tion régionale de défense contre les

organismes nuisibles, l’Union des pro-

ducteurs agricoles de la Guadeloupe

et l’association Saint-Barth-Essentiel,

des essais en parcelles forestières,

agricoles et jardins créoles seront

mis en place pour valider les résultats

obtenus en élevage et la bataille sera

officiellement lancée.

Le secours des plantes

locales

Dans sa thèse réalisée à l’Inra

de Petit-Bourg, Isabelle Bou-

logne s’est appuyée sur le

réseau Tramil (programme de

recherche scientifique) pour

déceler les usages de plantes

traditionnelles permettant de

combattre cette fourmi et son

symbiote fongique. Les résultats

obtenus permettent de déga-

ger quelques pistes de lutte

intéressantes : la macération de

la graine d’abricot pays

(Ammea

americana)

a montré une acti-

vité insecticide, tout comme la

décoction de la feuille sèche

de tabac

(Nicotiana tabacum)

.

Enfin, contre le champignon, les

tests antifongiques indiquent

que la feuille de dartrier

(Senna

alata)

serait fongicide.

Source : Évaluation du potentiel insec-

ticide et antifongique sur

Acromyrmex

octospinosus

(Reich) d’une sélection

de plantes à usages ethnopharma-

cologiques, Tramil. Thèse d’Isabelle

Boulogne, 2011.