

mars - avril 2011
n
anform !
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commence Véronique Lucas,
sexothérapeute. Déjà, le jeune
enfant se montre curieux de
son corps, du corps des autres.
Ilsetouchelespartiesgénitales,
essaie de toucher les seins de sa
mère, la regarde avec attention
sortir de la douche. Plus tard,
il cherchera à faire la diffé-
rence entre garçons et filles,
jouera au papa et à la maman,
au docteur… Ces jeux d’imi-
tation permettent à l’enfant de
mieux comprendre le monde
qui l’entoure et de s’y intégrer.
Le jeu est pour lui un espace
protégé dans lequel il met en
scène ses préoccupations, ses
sentiments, fait ses propres
expériences et apprentissages.
Les jeux à caractère sexuel ont
donc la même fonction que les
autres jeux.
Attention, médias !
Cependant, il est nécessaire
que l’adulte reste attentif.
Ainsi, prenez le temps d’ob-
server les enfants quand ils
jouent.
“Il importe de faire la
distinction entre les situations
où les enfants s’adonnent à
un jeu approprié pour leur âge
et les situations qui reflètent
davantage les comportements
sexuels adultes. Avec la télévi-
sion et internet, les enfants ont
accès à des scènes érotiques. Ils
peuvent aussi surprendre papa
et maman en train de faire
l’amour. Or, l’enfant est trop
jeune pour intégrer mentale-
ment la sexualité des adultes.
Elle constitue une effraction
traumatique dans le psychisme
d’unenfant”
,expliqueNathalie
Ninine, psychologue, ajoutant
que
“le traumatisme peut être
refoulé pendant l’enfance et
ressurgir à l’adolescence ou à
l’âge adulte”
.
Education sexuelle
Tant que les explorations
sexuelles de l’enfant sont
spontanées et innocentes,
tant qu’elles n’impliquent
pas l’usage de la force, il n’y
a pas lieu de s’inquiéter.
“Le
comportement devient problé-
matique dès qu’il y a agression.
Par exemple, quand un enfant
essaie de voir ou de toucher le
sexe de l’autre par la force, tire
sur sa culotte”,
prévient la psy-
chologue. De même, lorsque
les jeux sexuels impliquent des
enfantsd’âgesignificativement
différents, il est peu probable
qu’il s’agisse d’une simple cu-
riosité sexuelle. Dans une telle
situation, l’enfant plus jeune
risque d’être manipulé par
l’autre et l’intervention d’un
adulte est nécessaire. Bien
souvent, les parents ne savent
pas comment aborder les
questions sexuelles avec leurs
enfants. Il est important de
communiquer avec eux, de ne
pas laisser leurs questions sans
réponses. Comment naissent
les bébés ? C’est quoi l’amour ?
Expliquez-leur ce qu’ils ont
besoin de savoir en fonction
de leur âge en utilisant un
vocabulaire approprié sans
chercher à en dire plus que ce
qu’ils vous demandent.
“Alors
que je tentais d’expliquer à ma
fille les mécanismes de la re-
production, elle m’arrête et me
dit : Nonmaman, là tu vas trop
loin, je n’en suis pas encore là”
,
illustre la sexothérapeute.
QUAND S’INQUIETER ?
Les parents sont souvent
embarrassés de surprendre
leur enfant en train de se
masturber. Il s’agit là d’une
occasion d’inculquer la notion
d’intimité.
“Expliquez-lui que
son corps lui appartient et que
personne d’autre n’a le droit
d’y toucher”,
assène la spécia-
liste.
“Expliquez-lui aussi que
ces choses ne se font pas en
public, qu’il doit apprendre à
contrôler son corps.”
Quand la
masturbation est compulsive
Chaque âge a ses plaisirs
Selon Freud, le père de la psychanalyse, la sexualité
infantile se décompose en 4 stades.
De 0 à 1 an
Le stade oral
Bébé éprouve du plaisir en tétant, en
suçant son pouce.
De 1 à 3 ans
Le stade anal
L’enfant trouve son plaisir dans la
rétention ou l’évacuation des selles
et des urines.
De 3 à 5 ans
Le stade phallique
Les organes génitaux deviennent
le centre de la sexualité de
l’enfant. C’est au cours de ce stade
qu’apparaît le fameux complexe
d’Œdipe où l’enfant cherche l’amour
du parent de sexe opposé.
De 6 à 12 ans
Le stade de latence
L’enfant
cesse
d’avoir
des
préoccupations sexuelles.
Adolescence
Le stade génital
L’enfant entre à la puberté dans sa
maturité sexuelle.
et qu’elle devient le centre
d’intérêt principal de l’enfant.
Si tel est le cas, demandez de
l’aide à un professionnel.
“Un
parent dépassé, ne doit pas
hésiter à consulter un spécia-
liste. Il existe par ailleurs des
livres pour expliquer la sexua-
lité aux enfants et d’autres qui
expliquent la sexualité de l’en-
fant aux parents”.
Autre point
important : il faut poser les in-
terdits. Expliquer par exemple
que la sexualité est interdite
entre adultes et enfants et entre
membres d’une même famille.
Enfin, restez à l’écoute. Il ne
faut pas banaliser leurs propos.
“Je me souviens d’une petite
fille qui avait été violentée
à l’école par des camarades
qui l’avaient coincée dans un
coin pour lui toucher les parties
génitales. L’école a préféré mi-
nimiser le problème en disant
que c’était des jeux normaux”
,
regrette Nathalie Ninine.
Et à Véronique Lucas, sexo-
thérapeute, d’ajouter :
“J’ai
proposé aux écoles d’intervenir
dans les classes pour parler
de sexualité aux adolescents.
Je n’ai pas eu l’adhésion que
j’espérais. Pour beaucoup
d’adultes, parler de la sexualité
aux enfants, c’est les inciter à
passer à l’acte”
.
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