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mars - avril 2017
des hommes de moins de 50 ans.
En 2016, le Centre international
de recherche sur le cancer, basé
à Lyon, estimait que 46 000 per-
sonnes auraient fait l'objet d'un sur-
diagnostic de cancer de la thyroïde
en 20 ans, en France. La majorité
d'entre elles auraient subi une abla-
tion inutile de la thyroïde. La plupart
doivent prendre une hormonothéra-
pie de substitution à vie. Certaines
ont également souffert d'effets se-
condaires, comme d'une altération
de la voix ou d'une hypocalcémie.
RENOMMER
CERTAINES MALADIES
Si les cancers de la prostate et de
la thyroïde sont emblématiques
des conséquences du surdia-
gnostic, tous les cancers seraient
concernés, à plus ou moins grande
échelle. L'amélioration de l'ima-
gerie médicale permet en effet de
détecter des tumeurs très petites.
Mais les images ne disent rien sur
leur agressivité, ni sur la vitesse
à laquelle elles vont se dévelop-
per. Pourtant, pour ne pas être
accusés d'avoir laissé passer une
tumeur qui pourrait se développer,
les médecins sont poussés à trai-
ter. Or, traiter n'est jamais anodin,
notamment en cancérologie. La
chirurgie conduit à l'ablation d'un
organe utile. La chimiothérapie fa-
tigue, rend plus sensible aux infec-
tions, peut provoquer des nausées
et des vomissements, la chute des
cheveux. La radiothérapie peut elle-
même provoquer d'autres cancers.
Il faut aussi compter avec la stigma-
tisation sociale liée à la maladie.
Lorsque l'on est diagnostiqué, il
peut devenir plus difficile d'adhérer
à une mutuelle ou d'obtenir un prêt.
En outre, les traitements coûtent
cher, que ce soit au malade ou à
la Sécurité sociale. Ils contribuent
à engorger les hôpitaux. Enfin, le
mental en prend un coup. Ainsi,
15 % des femmes chez lesquelles
a été diagnostiqué un cancer du
sein souffriront d'anxiété ou de
dépression dans les 5 ans. Quelles
solutions ? Pas question de jeter le
bébé avec l'eau du bain et d'éviter
les dépistages. Ceux-ci restent le
plus souvent utiles et les traitements
associés sauvent des vies. Encore
faut-il prendre leur résultat avec me-
sure. Les autorités sanitaires mon-
diales proposent, par exemple, de
renommer les cancers qui évoluent
lentement, de manière à ne pas
pousser les médecins et les patients
vers des traitements inutiles. Début
2017, l'Organisation mondiale de
la santé devait publier une nouvelle
classification des tumeurs thyroï-
diennes. Les plus bénignes seraient
rebaptisées “néoplasme thyroïdien
folliculaire non invasif”, et ne seront
plus traitées comme des cancers.
Toutes les maladies
concernées
Le surdiagnostic touche
tout type de maladies. Ainsi
l'intolérance au glucose
que l'on appelle parfois
prédiabète. Cette condition
se caractérise par des taux
de glucose dans le sang
légèrement anormaux, mais
pas non plus suffisamment
pour que l'on parle de
diabète. Même si certains
médecins préconisent
de traiter le prédiabète
comme un diabète, d'autres
argumentent que plus
de 65 % des personnes
faisant un prédiabète
ne deviendront jamais
diabétiques. La question
de l'intérêt de soigner se
pose aussi pour les embolies
pulmonaires très petites. Et
pour des maladies mentales,
comme la dépression
ou la bipolarité. Certains
psychiatres s'alarment
notamment du surdiagnostic
de maladies mentales chez
les enfants, facilement
étiquetés souffrant
d'autisme ou de trouble de
déficit de l'attention avec
hyperactivité (TDAH).
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“Les traitements coûtent cher,
que ce soit au malade
ou à la Sécurité sociale.”