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anform !
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mars - avril 2017
Ma
sante
Quand la puberté survient avant
6-8 ans, mais qu'il ne s'agit ni des
conséquences d'une autre maladie,
ni de signes isolés non évolutifs,
le médecin pose le diagnostic de
puberté précoce centrale idiopa-
thique. C'est le cas le plus fréquent.
Le risque principal de ce symptôme
est la petite taille : la puberté pré-
coce accélère la croissance, mais
celle-ci s'arrête tôt. Pour permettre
aux enfants précocement pubères
de grandir correctement, il existe un
traitement. Il s'agit d'injections de
substances qui miment les GnRH,
occupent leur place dans l'orga-
nisme sans avoir leurs effets sur la
puberté. De nombreuses études ont
montré que ces traitements, chez
les pubères très précoces, leur per-
mettent de gagner quelques centi-
mètres. Ils évitent aussi aux enfants
de se retrouver trop tôt avec un corps
d'adulte, un corps sexualisé avec
lequel ils sont mal à l'aise et qui
risque de les marginaliser. Avoir une
poitrine développée à 6 ans, ou des
pulsions sexuelles quand on n'est
encore qu'un jeune garçon, entraîne,
en effet, une détresse psychologique
et pourrait conduire à des comporte-
ments inadaptés.
EN PROGRESSION ?
Combien d'enfants sont concernés ?
“En France métropolitaine, nous
avons estimé que la puberté précoce
centrale idiopathique, celle qui n'est
pas due à des maladies connues,
touche 2,68filles et 0,28garçons sur
10 000,
précise Joëlle Le Moal.
Cela
fait 1 300 cas par an en tout. C'est
donc assez rare...”
Mais ce désordre
rare pourrait être en progression.
Plusieurs études américaines sug-
gèrent en effet que l'âge moyen du
développement des seins a baissé
de 6 mois à 1 an aux États-Unis au
cours des 15 dernières années. Il
pourrait s'agir de la fin d'un mouve-
ment général de précocité. Au milieu
du XIX
e
siècle, l'âge des premières
règles était de 17 ans aux États-Unis
et 15 ans en France. Mais beaucoup
y voient aussi l'effet de l'exposition
aux perturbateurs endocriniens, ces
substances qui imprègnent l'environ-
nement, des plastiques à l'alimenta-
tion, en passant par les peintures et
les cosmétiques. Avec ses collègues
de Santé publique France, Joëlle Le
Moal cherche notamment à évaluer
le nombre d'enfants concernés par
la puberté centrale idiopathique en
France, et si ces cas pourraient être
liés à l'exposition à des perturbateurs
endocriniens.Une première étude sur
la puberté précoce dans l’Hexagone
paraîtra courant 2017 et sera élar-
gie à l'Outre-Mer. Car, en plus d'être
particulièrement sujette aux pubertés
précoces, la population de nos ter-
ritoires a été exposée pendant des
décennies à la chlordécone, qui est
un perturbateur endocrinien.
*Anne-Simone Parent et al,
Endocrine Reviews,
24, 668, 2003.
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