

avril - mai 2015
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anform !
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Par aNNe deBrOISe
Contrairement aux idées reçues, se priver de nourriture quelques jours pourrait faire
du bien à la santé. À pratiquer toutefois avec modération...
H
érésie ou outil théra-
peutique ? Pratique an-
cienne, préconisée dans
de nombreuses tradi-
tions, le jeûne rencontre actuellement
un regain d’intérêt dans des contextes
nouveaux. En 2014, une équipe amé-
ricaine de médecins et de biologistes
a suivi des patients atteints d'un can-
cer. Ils supportaient beaucoup mieux
la chimiothérapie s'ils se privaient de
nourriture 2 jours avant.
À L’hÔPItaL ?
La tradition aurait-elle raison ? Les
catholiques respectent souvent des pé-
riodes de carême, les musulmans le ra-
madan, les hindous diverses formes de
jeûne plus ou moins strictes. Mais il y
a autant de jeûnes que de pratiquants.
Si les musulmans ne boivent pas dans
la journée au cours du ramadan, la
plupart des jeûnes ne restreignent pas
la boisson. Quant à la nourriture, elle
peut être complètement supprimée,
interdite uniquement dans la journée,
ou simplement réduite. Pour les prati-
quants, le jeûne éloigne le corps des
contraintes terrestres et élève l'âme. Et
la santé du pénitent ? La médecine clas-
sique voit le jeûne d'un mauvais œil. Il
peut provoquer des chutes de tension,
déséquilibrer le régime alimentaire et
le rythme de sommeil, provoquer des
malaises, conduire l'organisme pré-
voyant à stocker plus d'énergie et donc
favoriser l'obésité, etc. Mais bien uti-
lisé, il pourrait aussi s'avérer bon pour
la santé. Certains hôpitaux japonais et
russes l'utilisent pour améliorer la santé
mentale de leurs patients, la dépres-
sion, les maladies neurodégénératives,
ou même des troubles de la digestion
et du système cardiovasculaire.
état DE strEss
Comment l'organisme réagit-il à la pri-
vation de nourriture solide ? Pendant
les 4 à 6 premières heures, il puise
dans les réserves de glucose et les ali-
ments ingérés. Quand il a épuisé cette
source d'énergie, il utilise les réserves
© Istock
question d'actu
de glycogène stockées dans le foie et
les transforme en glucose. Au bout de
16 heures de jeûne, il se tourne vers les
réserves de graisses. Il les transforme
en corps cétoniques, que le cerveau
utilise pour fonctionner. L'acétone sti-
mule le cerveau, ce qui est à l'origine
d'une sensation d'hypervigilance et
d'acuité intellectuelle. C'est ensuite
que les choses se gâtent. Au bout de
quelques jours de jeûne, l'organisme
n'a plus assez de graisses à brûler et
mobilise des protéines : il “brûle les
muscles”. Il s'affaiblit énormément.
Après 40 à 80 jours, l'organisme est
tellement dégradé que le cœur lâche.
C'est la mort.
“Le jeûne constitue un
stress pour l'organisme,
affirme Patrick
Lemoine, docteur en neurosciences
et psychiatre.
Mais tous les effets du
stress ne sont pas forcément négatifs.
On peut penser que le stress provoqué
par un jeûne modéré stimule l'orga-
nisme, obligeant certaines cellules à se
régénérer.”
Hélas, comme le constate
Jérôme Lemar, auteur d'une thèse sur
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