

mars - avril 2015
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anform !
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PAR ANNE DEBROISE
Contrairement aux
idées reçues, se priver
de nourriture quelques
jours pourrait faire
du bien à la santé. À
pratiquer toutefois avec
modération...
H
érésie ou outil théra-
peutique ? Pratique
ancienne, préconisée
dans de nombreuses
traditions, le jeûne rencontre actuel-
lement un regain d’intérêt dans des
contextes nouveaux. En 2014, une
équipe américaine de médecins et
de biologistes a suivi des patients
atteints d'un cancer. Ils supportaient
beaucoup mieux la chimiothéra-
pie s'ils se privaient de nourriture
2 jours avant.
À L’HÔPITAL ?
La tradition aurait-elle raison ? Les
catholiques respectent souvent des
périodes de carême, les musulmans
le ramadan, les hindous diverses
formes de jeûne plus ou moins
strictes. Mais il y a autant de jeûnes
que de pratiquants. Si les musul-
mans ne boivent pas dans la jour-
née au cours du ramadan, la plupart
des jeûnes ne restreignent pas la
boisson. Quant à la nourriture, elle
peut être complètement supprimée,
interdite uniquement dans la jour-
née, ou simplement réduite. Pour
les pratiquants, le jeûne éloigne
le corps des contraintes terrestres
et élève l'âme. Et la santé du péni-
tent ? La médecine classique voit
le jeûne d'un mauvais œil. Il peut
provoquer des chutes de tension,
déséquilibrer le régime alimentaire
et le rythme de sommeil, provoquer
des malaises, conduire l'organisme
prévoyant à stocker plus d'énergie
et donc favoriser l'obésité, etc. Mais
bien utilisé, il pourrait aussi s'avérer
bon pour la santé. Certains hôpitaux
japonais et russes l'utilisent pour
améliorer la santé mentale de leurs
patients, la dépression, les maladies
neurodégénératives, ou même des
troubles de la digestion et du sys-
tème cardiovasculaire.
ÉTAT DE STRESS
Comment l'organisme réagit-il à la
privation de nourriture solide ? Pen-
dant les 4 à 6 premières heures, il
puise dans les réserves de glucose
et les aliments ingérés. Quand il a
épuisé cette source d'énergie, il uti-
lise les réserves de glycogène stoc-
kées dans le foie et les transforme
en glucose. Au bout de 16 heures de
jeûne, il se tourne vers les réserves
© ISTOCK
question d'actu
de graisses. Il les transforme en
corps cétoniques, que le cerveau
utilise pour fonctionner. L'acétone
stimule le cerveau, ce qui est à
l'origine d'une sensation d'hyper-
vigilance et d'acuité intellectuelle.
C'est ensuite que les choses se
gâtent. Au bout de quelques jours
de jeûne, l'organisme n'a plus assez
de graisses à brûler et mobilise des
protéines : il “brûle les muscles”. Il
s'affaiblit énormément. Après 40 à
80 jours, l'organisme est tellement
dégradé que le cœur lâche. C'est la
mort.
“Le jeûne constitue un stress
pour l'organisme,
affirme Patrick
Lemoine, docteur en neurosciences
et psychiatre.
Mais tous les effets
du stress ne sont pas forcément
négatifs. On peut penser que le
stress provoqué par un jeûne mo-
déré stimule l'organisme, obligeant
certaines cellules à se régénérer.”
Hélas, comme le constate Jérôme
Lemar, auteur d'une thèse sur le
sujet en 2012 :
“La majeure partie
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