Previous Page  19 / 100 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 19 / 100 Next Page
Page Background

mars - avril 2015

anform !

19

PAR ANNE DEBROISE

Contrairement aux

idées reçues, se priver

de nourriture quelques

jours pourrait faire

du bien à la santé. À

pratiquer toutefois avec

modération...

H

érésie ou outil théra-

peutique ? Pratique

ancienne, préconisée

dans de nombreuses

traditions, le jeûne rencontre actuel-

lement un regain d’intérêt dans des

contextes nouveaux. En 2014, une

équipe américaine de médecins et

de biologistes a suivi des patients

atteints d'un cancer. Ils supportaient

beaucoup mieux la chimiothéra-

pie s'ils se privaient de nourriture

2 jours avant.

À L’HÔPITAL ?

La tradition aurait-elle raison ? Les

catholiques respectent souvent des

périodes de carême, les musulmans

le ramadan, les hindous diverses

formes de jeûne plus ou moins

strictes. Mais il y a autant de jeûnes

que de pratiquants. Si les musul-

mans ne boivent pas dans la jour-

née au cours du ramadan, la plupart

des jeûnes ne restreignent pas la

boisson. Quant à la nourriture, elle

peut être complètement supprimée,

interdite uniquement dans la jour-

née, ou simplement réduite. Pour

les pratiquants, le jeûne éloigne

le corps des contraintes terrestres

et élève l'âme. Et la santé du péni-

tent ? La médecine classique voit

le jeûne d'un mauvais œil. Il peut

provoquer des chutes de tension,

déséquilibrer le régime alimentaire

et le rythme de sommeil, provoquer

des malaises, conduire l'organisme

prévoyant à stocker plus d'énergie

et donc favoriser l'obésité, etc. Mais

bien utilisé, il pourrait aussi s'avérer

bon pour la santé. Certains hôpitaux

japonais et russes l'utilisent pour

améliorer la santé mentale de leurs

patients, la dépression, les maladies

neurodégénératives, ou même des

troubles de la digestion et du sys-

tème cardiovasculaire.

ÉTAT DE STRESS

Comment l'organisme réagit-il à la

privation de nourriture solide ? Pen-

dant les 4 à 6 premières heures, il

puise dans les réserves de glucose

et les aliments ingérés. Quand il a

épuisé cette source d'énergie, il uti-

lise les réserves de glycogène stoc-

kées dans le foie et les transforme

en glucose. Au bout de 16 heures de

jeûne, il se tourne vers les réserves

© ISTOCK

question d'actu

de graisses. Il les transforme en

corps cétoniques, que le cerveau

utilise pour fonctionner. L'acétone

stimule le cerveau, ce qui est à

l'origine d'une sensation d'hyper-

vigilance et d'acuité intellectuelle.

C'est ensuite que les choses se

gâtent. Au bout de quelques jours

de jeûne, l'organisme n'a plus assez

de graisses à brûler et mobilise des

protéines : il “brûle les muscles”. Il

s'affaiblit énormément. Après 40 à

80 jours, l'organisme est tellement

dégradé que le cœur lâche. C'est la

mort.

“Le jeûne constitue un stress

pour l'organisme,

affirme Patrick

Lemoine, docteur en neurosciences

et psychiatre.

Mais tous les effets

du stress ne sont pas forcément

négatifs. On peut penser que le

stress provoqué par un jeûne mo-

déré stimule l'organisme, obligeant

certaines cellules à se régénérer.”

Hélas, comme le constate Jérôme

Lemar, auteur d'une thèse sur le

sujet en 2012 :

“La majeure partie

•••