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anform !
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septembre - octobre 2015
À la page
sur Facebook
À l’heure du web 2.0,
le deuil se partage sur
les réseaux sociaux.
Ces nouveaux outils
de communication
aident-ils à
surmonter la peine ?
Témoignages et
éclairage d’un
psycho-sociologue.
Par iSaBelle KiCHenin
“S
arah reste dans
nos
cœurs.”
C'est le titre de la
page Facebook
créée par les amis de la jeune fille de
15 ans tuée par un requin en juillet
dernier àLa Réunion. Un mois après
le drame, anonymes ou proches y
témoignent encore émotions et pen-
sées. À l’heure du web participatif,
ces nouvelles pratiques du deuil se
répandent. Des mémoriaux virtuels
apparaissent sur la toile, tel le site
Paradis blanc. Proches des victimes
ou anonymes peuvent y laisser des
témoignages. Et même allumer une
bougie. “
C’est une nouvelle façon de
vivre le deuil qui inclut les codes de
la modernité : la vitesse, l’anonymat
et le partage”
, explique Lubin Budel,
psycho-sociologue. Dans le cas d’un
décès dramatique, l’impact émo-
tionnel est important. Tout le monde
ayant déjàété confronté àun deuil,
chacun peut exprimer et partager
ses ressentis, au-delàdes frontières
géographiques.
“N’importe qui s’ap-
proprie l’information à sa manière
et réagit. Ce qui crée des chaînes
anonymes et permet au deuil d’être
au-delà du temps”
, précise Lubin
Budel.
DÉPOSSÉDÉS DE LEUR DEUIL
Le web rendrait-il le deuil intermi-
nable ? Des années après un drame,
un inconnu pourra encore s’exprimer
sur ce décès. Et c’est làque peuvent
apparaître les mécanismes négatifs
de la modernité. En effet, les émo-
tions peuvent revenir aux proches de
façon brutale, alors que leur travail
de deuil est terminé.
“Ils peuvent se
sentir dépossédés de leur deuil. Ces
témoignages sur les réseaux sociaux
ne correspondent plus à la réalité.
Faire son deuil
psycho