ANFORM GUADELOUPE N83

mars - avril 2019 • anform ! 89 ce qui les rend particulièrement vul- nérables aux effets de mode. Les pros du marketing viennent donc les titiller exactement là où ils sont fragiles, utilisant les mécanismes et ressorts psychiques qui font écho à leurs problématiques. “En effet, précise Raphaël Spéronel, lorsque l’image et/ou l’estime de soi sont perturbées, consommer peut être rassurant. Les objets de marque, symboles d’une réussite sociale, peuvent aussi donner pour un temps un sentiment de puissance, de contrôle.” Le risque est que l'enfant ne s'identifie plus qu'àces marques. Pourtant, il peut être contreproductif de nier systématiquement ce désir de l’ado d’arborer des vêtements de marque, alors même qu’ils lui servent àse rassurer, às’intégrer au groupe, mais aussi àprouver qu’il existe par lui-même, avec ses goûts propres. ACCEPTER LA FRUSTRATION L’achat du vêtement de marque dépasse donc largement le simple achat. Il reste donc àse positionner en tant que parent. D’abord parce que les vêtements de marque repré- sentent généralement un budget important que toutes les familles ne peuvent pas s’offrir. Mais aussi parce que, budget ou non, il est légi- time de se demander si accéder aux demandes de l’ado est bon pour lui. Il est intéressant d’amener l’enfant à faire la part de ce qui relève du besoin et de ce qui relève de l’envie. “Les parents ont la responsabilité de faire de leur enfant un consomma- teur conscient qui sait renoncer à la satisfaction immédiate de ses désirs. Il va devoir apprendre à accepter les frustrations que cela génère. Cela l’aidera à se construire une person- nalité forte et surtout indépendante” , estime le psychologue. GÉRER SON BUDGET Autre notion importante : la gestion. L’argent a une valeur. Apprendre à gérer un budget, c’est apprendre à faire des choix. Demander àl’enfant de choisir entre un pantalon et une paire de chaussures l’oblige à inté- grer des notions de budget et àmieux apprécier ce qu’il obtient finalement. Comme d’ailleurs, patienter avant d’obtenir ce qui lui tient àcœur : ce sac de marque, ce sera son cadeau d’anniversaire. Une technique qu’a adoptée Géraldine, maman de Kevin, 15 ans : “J’alloue à mon fils un budget qu’il doit gérer. Il l’a dépassé une fois, j’ai complété avec des vête- ments de grande surface. Depuis, il s’y tient et fait des choix” . Il importe également de développer leur esprit critique et renforcer leur propre estime d’eux-mêmes, pour ne plus singer les autres. Il peut être “original”, prati- quer un sport, avoir des idées ou des activités qui se démarquent, s’habil- ler de manière différente et être quand même intéressant aux yeux du groupe auquel il appartient. L’enfant doit apprendre à s’aimer et à se respecter, prendre conscience de ses qualités, de ses valeurs propres pour éviter ensuite de combler ce manque d’estime de lui par des achats de compensation. Comme témoigne Johann, papa de Leslie, 14 ans : “ Je lui explique que ce jean dernier cri ne va pas la rendre plus intéressante oumeilleure, ou plus jolie. Que sa valeur ne dépend pas de ça et que sa personnalité peut trouver à s’exprimer autrement.” Un enfant qui a l’impression d’avoir absolument besoin d’un vêtement de marque pour exister indique qu’il a un sérieux mal- être. En tant que parent, il s’agit de ne pas s’op- poser systématiquement àce désir d’appartenance qui passe par la marque, mais de profiter de l’occasion pour inculquer quelques principes éducatifs, sans culpabiliser. Et garder à l’esprit que les choses évoluent. Vers 17 ou 18 ans, les critères changent et l’envie de se singulariser apparaît. Ouf !

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