juillet - août 2015
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anform !
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psycho
l'existence. Parfois, nous pouvons
avoir le sentiment de ne plus être
à notre place, d'être passé à côté
de quelque chose, ou que notre vie
manque de sens…
L’heURe dU BiLan
Dans ce processus psychique de
“tout plaquer pour tout recom-
mencer”
, on pressent une prise de
conscience, comme si on regardait
sa vie différemment. On plonge
au fond de soi sans se raconter
d'histoires. Souvent, il y a un “effet
déclic”, comme pour le témoignage
de Sandrine (voir encadré). C’est un
événement, comme le décès de sa
meilleure amie, qui vient débloquer,
déverrouiller quelque chose d'enfoui
en elle. Cet événement peut être
une rupture, un divorce, un deuil,
un accident, un licenciement…
Nous sommes tous confrontés à
des bouleversements, des difficultés
qui nécessitent une réorganisation.
Et nous devons déployer des stra-
tégies d'adaptation particulières.
Parfois, il peut exister des prises de
conscience sur soi-même, le sens
que l'on donne à sa vie, l'heure
des bilans, des remises en question
qui peuvent permettre de grands
changements de vie. Comme dans
toute situation de la vie, le principe
de réalité n'est pas très loin de la
notion de plaisir. Le fantasme se
confronte donc à la réalité : établir
un plan d'action pour parvenir à la
réalisation de son projet. Dans la
psychanalyse freudienne, la réa-
lité consiste à prendre en compte
les exigences du monde réel et les
conséquences de ses actes. Autre-
ment dit, lorsqu'on décide de tout
plaquer pour partir vivre à l'autre
bout du monde, encore faut-il avoir
quelques économies pour la réalisa-
tion de son projet ! Il ne s'agit pas
de quitter un travail dans lequel vous
ne vous épanouissez pas pour rester
sur votre canapé devant la télévision
dans un état psychique figé et de
procrastiner. Il faut donc admettre
l’existence des renoncements né-
cessaires (vivre loin de ses proches,
quitter ses commodités, faire des
économies, reprendre ses études,
quitter un conjoint…).
aU BoUt
de SeS pRoJetS
Car il n'est pas non plus question
de vouloir être dans la fuite et l'évi-
tement de situations de vie difficiles
ou de confondre “recommencer sa
vie à zéro” avec “fuir la vérité et la
réalité”. En effet, très souvent les
personnes qui plaquent tout et ne
regrettent rien, sont celles qui se
confrontent à une réalité en amor-
çant un nouveau projet de vie avec
des objectifs àatteindre. Les écueils
de la vie peuvent donc permettre
de se réinventer, d'entreprendre,
de puiser en soi afin de trouver les
ressources nécessaires pour réaliser
ses rêves. Tout plaquer pour recom-
mencer sa vie… Oui, mais en allant
au bout de ses projets. Le monde
appartient àceuxqui rêvent trop!
“Je n’étais pas heureuse
dans ce rôle d’avocate”
petite fille, j'ai toujours aimé
cuisiner. Je rêvais d'ouvrir un
restaurant. Hélas, j'ai choisi une
autre voie professionnelle pour
faire plaisir à mon père avocat
qui voulait que je reprenne
le cabinet avec lui. J'ai donc
obtenu mon diplôme avec brio
et j'ai repris le flambeau familial.
Une route déjà tracée pour
moi. Un matin, mon téléphone
a sonné. C'était la mère de ma
meilleure amie m'annonçant
que sophie était décédée
d'un AVC, dans la nuit. J'ai pris
conscience, à ce moment-là,
de la fragilité de la vie, et que
nous devons réaliser nos rêves
tant qu'il en est encore temps.
Ce deuil fût très difficile à vivre.
Je me sentais comme obligée
d'ouvrir les yeux sur ma propre
vie. Ma carrière était devenue
trop stressante et chronophage.
Je n'étais pas heureuse dans
ce rôle d'avocate. J'ai donc
repris mes études à 33 ans. J'ai
quitté le cabinet et je me suis
réorientée vers un baccalauréat
professionnel dans l’hôtellerie.
J’ai repris des cours de cuisine,
et là je me sentais enfin moi-
même ! Aujourd'hui, je viens de
réaliser mon rêve. J'ai ouvert
un petit bistrot parisien avec
mon compagnon et je suis très
heureuse et épanouie dans ma
cuisine. J'ai tout plaqué et sans
aucun regret !
Sandrine, 37 ans