

septembre - octobre 2015
•
anform !
95
Cela veut-il dire qu’une prise
en charge précoce peut éviter
aux jeunes d’entrer dans la
schizophrénie ?
Hélas, non. On évitera surtout que des
jeunes entendent des voix pendant 1
ou 2 ans avant de pouvoir en parler à
quelqu’un et de recevoir un traitement
adapté. L’aide psychologique est tou-
jours capitale. Au terme de leur prise
en charge, les jeunes malades auront
bénéficié d’un début de maladie en
douceur. Ils auront eu des explica-
tions et un soutien psychologique au
fur et àmesure de leur entrée dans la
maladie. Cela permet d’instaurer dès
le début un climat de confiance avec
le malade et d’éviter le recours à la
contrainte.
Ne craignez-vous pas de
“psychiatriser” des jeunes qui
traversent une période difficile ?
Au contraire. Psychiatriser, c’est
enfermer dans un diagnostic, des
contraintes, des a priori. C’est la voie
du silence, de la stigmatisation et de
l’exclusion. Nous ne voulons pas de
ça. Nous voulons soigner pour éviter
l’entrée dans la schizophrénie. Il faut
prendre le temps d’apprécier l’évo-
lution avant d’orienter le jeune. Il est
vrai que la durée du traitement prescrit
pour de “petits signes de schizophré-
nie” n’est pas codifiée et doit donc se
décider au cas par cas, toujours dans
l’alliance avec le malade et sa famille.
Comment aider les parents à
détecter les premiers signes ?
Les parents doivent être vigilants
lorsqu’un adolescent va mal psycho-
logiquement. Il se met àchanger de
comportement. Il s’isole, décroche,
devient bizarre, ne sort plus
ou ne rentre plus àla maison,
tient des propos qui “ne sont
pas lui”, des propos mystiques,
décousus. On lui en veut, il a
des projets étranges, ou plus
de projet du tout. Il est surex-
cité, ou déprimé, ou semble
n’avoir plus aucun sentiment...
On ne le sait pas tout de suite,
mais le malade peut commencer
à souffrir en entendant des voix,
en n’étant plus capable d’organiser
ses pensées et de raisonner comme
avant, de percevoir et d’interpré-
ter la réalité rationnellement. Cela
explique son retrait. Mais la schizo-
phrénie n’est pas un diagnostic que
les parents peuvent porter seuls.
L’ado peut être déprimé, peut s’être
mis àla drogue… Ils doivent consul-
ter de préférence leur généraliste.
Les généralistes ont-ils un rôle
majeur à jouer ?
Il faut que le généraliste soit au
cœur de la prise en charge dès le
début. D’abord pour un dépistage
précoce, ensuite àchaque fois que
le patient rompt ou est tenté de
rompre ses soins, et pour la réha-
bilitation. Les généralistes ont donc
besoin d’être plus informés au sujet
de la schizophrénie afin de repérer
les symptômes évocateurs d’une en-
trée dans la psychose. Il faut aussi
que la population, les travailleurs
sociaux et les adultes relais (anima-
teurs sportifs, leaders associatifs, re-
ligieux…)et, bien sûr, les paramédi-
caux sachent repérer un adolescent
qui “va mal”.
psycho
EN
CHIFFRES
Dans le monde, c’est la plus
répandue des maladies mentales
chroniques. Elle touche
1 % de la population,
et 2nouveaux cas par an se révèlent
pour 10000habitants.