ANFORM GUADELOUPE N80

septembre - octobre 2018 • anform ! 73 vrai qu'en cas d'agression de ces facteurs extérieurs, nous avons tendance à froncer nos sourcils pour augmenter leur rôle protec- teur. Cependant, ce rôle ne serait peut-être pas la principale raison d'être de nos sourcils. Dans un article publié en avril dernier dans la revue scientifique Nature , une équipe de chercheurs portugais et britanniques propose une nouvelle hypothèse. Nos sourcils seraient apparus pour favoriser l'expression de nos émotions. PLUS AGRESSIFS Comment ces chercheurs, spé- cialistes de l'évolution, sont-ils parvenus à ces conclusions ? Ils se sont d'abord intéressés aux arcades prononcées de nos loin- tains ancêtres préhistoriques. Depuis des décennies, de nom- breuses hypothèses ont été proposées quant à leur rôle : élé- ments intermédiaires pour remplir l'espace entre l'os frontal et les orbites (la forme du crâne de nos ancêtres étant différente de la nôtre, plus étirée vers l'arrière), éléments protecteurs du cerveau contre les chocs liés à la mastica- tion, ou encore contre les coups... Les chercheurs ont donc modélisé le crâne fossilisé d'un hominidé vieux de près de 300 000 ans et lui ont virtuellement appliqué diverses contraintes. Résultat, des arcades plus petites et moins accen- tuées auraient été amplement suffisantes d'un point de vue ana- Une affaire de mode Dans l’Égypte antique, les sourcils sont redessinés au khôl, chez les hommes comme chez les femmes, comme en témoignent les peintures murales, de même que les fioles à khôl retrouvées dans les fouilles archéologiques. Dans la Rome antique, le sourcil est plutôt bien fourni, parfois même accentué avec de faux sourcils... en poil de chèvre. À la Renaissance italienne, exit le sourcil ! Chez les femmes riches, ils sont, de même que les cheveux en haut du front, complètement épilés. Ce qui explique l'absence de sourcils de la Joconde . Une mode que l'on retrouve dans les années 1930, où les actrices du cinéma en noir et blanc, à l'instar de Marlène Dietrich, suppriment tous poils de l'arcade pour les remplacer par un trait finement dessiné au crayon. Depuis une petite dizaine d'années, la tendance est au sourcil épais, dense, noir et graphique, à l'image de la top Cara Delevingne ou de l'actrice Emilia Clarke de la série Game of Throne . tomique, comme fonctionnel. En revanche, les arcades des anciens hominidés étaient toujours plus marquées chez les hommes que chez les femmes, les gratifiant d'une allure plus agressive. Les chercheurs ont donc exploré le rôle social de ces grosses arcades. Or, au cours des millé- naires, les arcades proéminentes de nos ancêtres ont progressivement disparu pour gagner en pilosité, tandis que les muscles de cette partie du visage sont devenus plus mobiles. “La transformation des larges arcades de nos ancêtres en un os frontal plus vertical, chez les humains modernes, a certaine- © ISTOCKPHOTO ment contribué àune forte mobilité des sourcils offrant des émotions plus subtiles” , notent les auteurs de l'étude. Ainsi, nos sourcils seraient progressivement apparus afin d'accentuer la traduction des émotions sur notre visage et la com- munication non verbale. Une idée intéressante puisque les sourcils prennent effectivement une forme différente selon que l'on exprime le doute (sourcils froncés ou un sourcil qui pointe vers le bas, l'autre pas), la colère (accent circonflexe inversé), la surprise (sourcils remontés), la joie (sourcils qui s'écartent légère- ment vers l’extérieur), la tristesse (sourcils qui descendent)…

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