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anform !
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janvier - février 2017
Henri Pigniat,
entre musique et partage
Ce pianiste de renom est un véritable touche-à-tout. Auteur,
compositeur, interprète, porteur de projets, il milite avec ferveur pour
l’insertion des handicapés. Rencontre avec Henri Pigniat, aveugle de
naissance.
Par Corinne Daunar
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L ’
homme
place
l’humain au cœur
de ses préoccupa-
tions et de ses en-
gagements. Il a fait de sa déficience
visuelle une force qu’il dédie aux
autres et au monde. Aujourd’hui,
c’est dans cette bienveillance que
Henri Pigniat puise son énergie et
se consacre à la présidence d'une
entreprise d’envergure : l’espace
Sonate, nouveau siège de l’Esat
Cat’Appham. Une structure martini-
quaise dédiée à l’art et gérée par
des adultes
handicapés.Unlieu foi-
sonnant d’échanges et de culture.
Quels souvenirs gardez-
vous de votre enfance ?
Je suis né à Haïti à la fin des an-
nées 1940. Mon handicap a été
détecté très tôt. Privé de la vue, il
semblait difficile pour ma famille
d’espérer,à l’époque,me voir suivre
un chemin classique. Et pourtant,
grâce à la méthode Braille, j’ai eu
la grande chance de poursuivre
une scolarité normale et d’arri-
ver jusqu’à l’université. J’ai com-
mencé à y étudier l’histoire de la
musique dans la Caraïbe. Mais,
depuis tout petit et parallèlement à
mes journées d’étude, j’ai appris à
jouer de différents instruments de
musique (piano, guitare et même
accordéon). Pendant mon cur-
sus universitaire, je me suis rendu
compte que je vivais vraiment pour
la musique et sa
pratique.Etj’ai fini
par m’y consacrer.Avoir pu toucher
à ces disciplines dès mes 6 ans
m’a ouvert un inestimable chemin.
Dans mon école, l’idée était de
spécialiser le plus rapidement pos-
sible les jeunes handicapés dans
leur domaine de prédilection. Ainsi
ces jeunes, malgré leur handicap,
pourraient trouver plus facilement
des emplois. Pour moi, cela a été
la
musique.Etpour mon plus grand
bonheur, j’ai eu la chance de voya-
ger, de me représenter, de produire
des disques et des spectacles, et
de remplir mon escarcelle de très
beaux souvenirs. Cette carrière
de musicien accomplie, je la dois
beaucoup à ces premières années
d’initiation à la musique.
Aujourd’hui, êtes-vous un
homme comblé ?
Affectivement,
personnellement
et professionnellement, je suis
comblé. Je me sens très entouré
et aimé, et tente de le rendre du
mieux que je peux. C’est aussi ce
qui me pousse à m’engager vers
mon prochain. Ce sont les relations
humaines et la solidarité qui m’in-
terpellent.
Au quotidien, comment
appréhendez-vous vos
relations aux autres ?
Mon idée, c’est de retenir dans
ce qui m’environne, dans ce que
je rencontre, une impression, des
sensations qui fécondent mon ima-
gination. Ensuite, j’essaie d’en tirer
l’essence, des éléments qui pour-
raient être profitables aux autres
et d’en faire des projets. Pour être
sûr de la pertinence de mon action,
j’essaie de rester sensible aux diffi-
cultés, aux problèmes exprimés par
autrui. Dans ma tête, trotte l’envie
d’agir très vite en vue de soulager
un désemparé, un accablé, de dé-
rencontre