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septembre - octobre 2016
Plus le temps passe, plus la
concentration en oxygène diminue
dans le sang, tandis qu'augmente
celle de CO
2
. Le corps se met d'ail-
leurs en mode “économie”. Les
membres sont soumis à une vaso-
constriction pour limiter la consom-
mation en oxygène et conserver les
“déchets” issus de la combustion
de l'oxygène (notamment le CO
2
et l'acide lactique) tandis que le
cœur et le cerveau connaissent
une vasodilatation favorisant les
échanges. Car le cerveau est
tout particulièrement sensible au
manque d'oxygène. Au-delà d'un
certain seuil, il se met à dysfonc-
tionner. En résultent diverses ma-
nifestations neurologiques : dimi-
nution temporaire des capacités
intellectuelles, perte de contrôle
moteur plus ou moins générali-
sée, syncope (un des accidents les
plus redoutés des apnéistes) et à
l'extrême, décès de la personne.
“La syncope, en soit et si elle est
isolée, n'est pas mortelle et n'a
pas de graves conséquences sur la
santé,
explique Stéphane Pelczar,
médecin fédéral de la FFESSM en
Guadeloupe.
Il s'agit d'une perte
de connaissance qui peut être
considérée comme un mécanisme
de protection du cerveau. Le pro-
blème, c'est qu'elle peut entraîner
la noyade, qui elle, est fatale.”
D'où l'absolue nécessité de ne pas
plonger seul. D'autant que ces ac-
cidents surviennent généralement
à la remontée. Car c'est là que la
dette en oxygène est la plus impor-
tante. De plus, en profondeur, la
pression leurre notre organisme
sur la quantité d'oxygène dispo-
nible. C'est donc à l'approche de
la surface, avec la diminution de
pression, que l'accident est le plus
susceptible de se produire.
Éviter l'accident
“Un des facteurs favorisant la syn-
cope est l'hyperventilation,
note
le Dr Pelczar. En hyperventilant,
on augmente très peu la quantité
d'oxygène disponible. En revanche,
on crée une dette en CO
2
Et c'est
justement l'augmentation du taux
de CO
2
dans le sang qui donne
envie de respirer, avant même le
manque d'oxygène. En hyperven-
tilant, on désamorce la “sonnette
d'alarme CO
2
”. Le besoin de respi-
rer se fait sentir trop tardivement et
on risque l'accident.” Et l'hyperventi-
lation ne se résume pas à ce que fait
le Japonais dans le film de Luc Bes-
son. En fait, on hyperventile souvent
sans le savoir, dès lors qu'on respire
au-delà du besoin physiologique.
Se faire plaisir
Autre grand facteur de risque : l'ego.
L'apnée est une discipline dans
laquelle on ne progresse pas en
cherchant à aller bien au-delà de
ses limites. Au contraire. Après une
syncope, on est plus susceptible
de faire des accidents à répétition
car le cerveau se mettra en mode
“survie” de plus en plus tôt.
“Il faut
toujours travailler autour des perfor-
mances que l'on sait bien acquises
et apprendre à connaître les signaux
envoyés par notre corps,
insiste
Antoine Maestracci.
Ne jamais cher-
cher à se battre contre une profon-
deur, un copain, ou un mur dans
une piscine. Il faut surtout que cela
reste un plaisir.”
Car après tout, le
but, c'est d'aller voir (ou chasser) de
beaux poissons, pas de se faire mal.
Pour battre des records, il faut être
encadré... et beaucoup travailler.
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