ANFORM REUNION N41

octobre - novembre 2017 • anform ! 29 Dossier ••• professionnelles, familiales et per- sonnelles, engagés dans une course contre la montre. Et les enfants aussi doivent suivre la cadence. “Dans les structures de garde, les enfants sont parfois présents tous les jours, 9 à 10 h d’affilée”, remarque Kris- telle Apatout, éducatrice de jeunes enfants. Nous nous persuadons que nous leur offrons le meilleur. Emplois du temps surchargés, activités extras- colaires en surnombre, écrans en continu, absence totale de temps morts… “Ni les parents ni les enfants ne devraient arriver àépuisement à cause des activités ! Il faut poser les limites du raisonnable” , recommande Maud Consel. Car de cette course à la perfection, la famille ne sort pas forcément plus heureuse. Parents et enfants sont au contraire fatigués et nerveux. “Et l’amour dans tout ça ?” , interroge Johana Grego. Les psychologues du développement et les pédopsychiatres sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de cette sur-stimulation des enfants. “Obser- vez, échangez et soyez attentifs aux changements de comportements de vos enfants. Troubles alimentaires, du sommeil, consommation d’alcool ou de substances toxiques, agitation, asthénie, propos pessimistes ou sui- cidaires, fugues, etc. Ou encore des symptômes physiques : mauxde tête fréquents, de ventre, vomissements, éruptions cutanées, énurésie, pelades (pertes de cheveux)… Parfois, il n’y a aucun signe, car certains enfants cachent très habilement leur mal-être afin de préserver leurs parents ou par peur de ne pas être compris” , alerte Nelly Nibert, relaxologue et psycho- thérapeute. Les enfants recherchent l’attention des parents. “L’enfant peut s’opposer en accomplissant des actions défendues. Le manque de sommeil, les activités trop diffi- ciles qui le mettent en échec, les “fait vite, on est en retard”, “dépêche-toi” engendrent stress et insécurité” , met en garde Kristelle Apatout. Kim John Payne, consultant scolaire et familial de renommée mondiale, a mené une étude sur des enfants souffrant d'un trouble du déficit de l'attention. Il a simplifié le rythme de vie de ces enfants. En seulement 4 mois, les symptômes de ce trouble avaient disparu chez 68 % d’entre eux. Chez les parents aussi les conséquences peuvent être dramatiques. Charlotte, 35 ans, entre deux cours particuliers pour ses enfants, a fini dans un fossé. Elle s’était endormie au volant, épuisée… Revenir à l’essentiel Changer ? Oui, mais comment ? Des résistances internes et externes risquent de surgir. La notion de vitesse est profondément ancrée dans la culture occidentale. Faire tout et vite. Une relation au temps tourmentée à laquelle nous pouvons devenir dépen- dants. Car la vitesse entraîne la libéra- tion de deux substances chimiques, l’épinéphrine et la norépinéphrine, qui peuvent nous rendre accros (1) . “Une sensation proche de l'euphorie àme- sure que le cerveau s'approche de la saturation […]qui mène, néanmoins, à l'épuisement au bout d'un certain temps”, analyse Michel Dib, neuro- logue, membre de la Société fran- çaise de neurologie. Vivre constam- ment dans la précipitation peut aussi masquer un malaise existentiel, “une stratégie de distraction” , analyse Marc Kingwell, professeur de philosophie à l’université de Toronto. De plus, l’enfant est aujourd’hui placé dans une course à la réussite dans tous les domaines. “Pendant que vous vous demandez quel livre votre enfant doit lire en premier, un autre a déjàlu les deux!” Comment faire face à la pres- sion sociale, au regard des autres pa- rents, de la famille, des amis ? “Ce qui doit primer, c'est l'intérêt de l'enfant et son attrait pour une activité. Non pas le désir des parents de faire comme les autres parents. Tant qu'on est dans le plaisir, c'est positif” , insiste Maud Consel. Afin de se libérer de ces résis- tances, plusieurs spécialistes comme Carl Honoré (2) , Bernadette Noll et la psychologue Carrie Contey (qui ont fondé l'association américaine Slow FamilyLiving )prônent un retour à une vitesse “normale” et proposent des pistes de réflexion, outils, ateliers et conseils (3) .Le slowparenting peut pro- fondément nous bouleverser. Cemou- vement nous invite à nous interroger sur notre conception de la parentalité et, par conséquent, à nous remettre en question. Prendre le temps, reve- nir à l’essentiel, faire le tri, préférer la qualité à la quantité, l’être plutôt que le faire et repenser notre quotidien. Redonner à l’enfant le temps dont il a besoin pour développer sa curiosité, se construire, s’épanouir. (1) L’éloge de la lenteur , Carl Honoré, éd Mara- bout, 2007. (2) Je réinvente ma vie , Jeffrey E Young, Janet S Klosko, Les éditions de l’homme, 1993. (3) La famille buissonnière , Marie Gervais, Dela- chaux et Niestlé, 2016.

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