ANFORM MARTINIQUE N97
juillet - août 2021 • anform ! 49 monde en solitaire en passant par les trois caps, sans escale et sans assistance. J’avais déjà fait un tour du monde à l’envers en visitant de nombreux pays, mais pas en solitaire et sans escale. Là, c’était une autre dimension. Pourquoi votre bateau a-t-il fait naufrage ? Le 24 février 2020, j’étais descendu le plus bas possible vers le pôle Sud afin de passer au plus court. J’ai fait nau- frage par 53 ° sud. Un cyclone s’était déclaré dans le sud de l’Australie ce qui perturbait complètement la météo. Depuis 10 jours, je naviguais avec des creux de 7 à 8 m et là, depuis plus de 24 h, c’était la grosse tempête avec des vagues de 10 à 12 m et des vents à 100 à 120 km/h. Je savais qu’une accalmie allait se produire pendant la nuit. J’étais en train de lire à l’intérieur, quand d’un seul coup, j’ai entendu comme une locomotive. Une vague immense s’est écrasée sur le bateau et l’a fait chavirer. Il s’est redressé très rapidement, mais le mât était tombé et un hublot de coque était perforé. Je me suis retrouvé avec de l’eau aux genoux et j’ai déclenché ma balise de détresse. Le système d’assistance mondiale s’est enclenché, coordonné par les Néo-Zélandais. J’ai passé la nuit sur le siège de la table à carte, le seul endroit au sec, équipé de ma combinaison de survie. Le lendemain, le niveau d’eau s’est remis à monter et j’ai choisi de déployer le radeau de sauvetage. Mon espérance de vie était de 3 à 5 jours, l’eau étant à 7 °C. Je suis resté relié à mon bateau, mais les mouvements de rappel étaient beaucoup trop intenses et j’ai dû me résoudre rapidement à rompre le lien qui me retenait encore à ce compagnon de 35 ans. Le sauvetage fut peu aisé, n’est-ce pas ? Les secours néo- zélandais m’ont survolé à deux reprises. Un sau- vetage par avion n’était pas envisa- geable en raison de l’éloignement trop important des terres pour la limite d’autonomie de l’appareil. Ils ont donc détourné un pétrolier, le Lindanger, pour le faire revenir vers moi en 48 h. C’était le seul bateau présent dans les parages. La mer s’est de nouveau agitée, mais le radeau a tenu bon. Au moment où le Lindanger devait se rapprocher, je ne voyais plus à 10 m en raison d’un épais brouil- lard ! J’ai rallumé au bon moment ma VHF ASN dont j’économisais la batte- rie. Le bateau était tout près, mais il avait du mal à me visualiser sur son radar. J’ai alors eu l’idée de poser une couverture de survie sur la tente du radeau et l’écho radar est devenu beaucoup plus fort. Le pétrolier a fait une première tentative d’approche, mais du long de ses 185 m et 30 m de haut, ce n’était pas évident ! J’ai finalement pu attraper une amarre lancée suffisamment loin et revenir le long de la coque sous laquelle j’ai failli passer plusieurs fois à cause des mouvements de la houle. L’équipage a fait descendre une échelle mais elle était trop haute. Puis, ils ont envoyé un harnais que je n’ai pas pu enfiler en raison de la combinaison de survie. Ils ont finalement utilisé une petite grue, à laquelle est fixée une nacelle. Que d’émotion dans la rencontre avec ces 23 marins ! Une fraternité qui me marque encore aujourd’hui. Au bout de 13 jours, nous sommes arrivés à Punta Arena dans le sud du Chili où ils m’ont déposé. Quels sont vos projets aujourd’hui ? Je suis un marin donc j’observe d’où vient le vent, je regarde devant pour avancer et je regarde aussi derrière, toujours pour avancer. Une page s’est tournée et j’ai envie de continuer à en écrire d’autres. De retour en Guade- loupe, j’ai créé une auto-entreprise. Je m’occupe de l’entretien et de la réparation des bateaux, à la marina de Rivière Sens. J’aimerais rache- ter un bateau, seul ou à plusieurs, et repartir pour La longue route ou en Antarctique. Je naviguerai tant que je pourrais monter en haut du mât et puis je continuerai, probablement sur une péniche, à travers l’Europe. J’ai déjà un nom pour mon nouveau bateau, ce sera le New comments ! © DR
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