ANFORM MARTINIQUE N97

juillet - août 2021 • anform ! 41 Cochin (Paris). Mais les trois quarts des personnes soignées à l'hôpital pour Covid-19 présentent des comor- bidités. Les principales sont le diabète, l'obésité et les maladies cardiovascu- laires. Des maladies liées au mode de vie.” Les derniers relevés épidé- miologiques le confirment. 49 % des patients en réanimation en France sur la période de janvier à mai 2021 sont obèses. Une étude britannique calcule même en 2020 qu'un IMC supérieur à 40 (une obésité massive) multiplie presque par deux le risque de mourir de l'infection par rapport à un IMC “sain”, c'est-à-dire entre 18,5 et 25. PROTÉINES ACE2 Jusqu'ici, on ne savait pas bien si l'obésité était un facteur de risque direct, ou s'il fallait plutôt blâmer le diabète et l'hypertension, qu'elle aggrave. Mais la première hypo- thèse est de plus en plus privilégiée. D'abord, parce que les cellules pré- sentes dans les tissus adipeux ont des protéines ACE2 à leur surface. Or, ces protéines, fichées dans la membrane, fonctionnent comme des serrures sur lesquelles le virus Sars-Cov-2 se fixe comme une clé. Et c'est en s'accro- chant qu'il peut entrer dans la cellule et l'infecter. Il s'y reproduira avant de la quitter. En ce sens, les cellules adi- peuses, plus nombreuses chez les personnes en surpoids, constituent une sorte de machine à multiplier les virus Sars-Cov-2. Mais ce n'est pas le seul mécanisme expliquant la vul- nérabilité des personnes en surpoids. Le second invoque un système immu- nitaire affaibli. Une équipe américaine de l'université de Cincinnati montre en 2020 que les cellules adipeuses pro- duisent des protéines (des interférons) qui stimulent le système immunitaire quand un microbe étranger pénètre dans l'organisme. C'est peut-être ainsi que les tissus adipeux deviennent le siège d'une inflammation chro- nique, comme une petite plaie qui ne se refermerait jamais. Les médecins constatent depuis longtemps que le surpoids favorise d'autres maladies (diabète de type 2, maladies cardio- vasculaires, certains cancers...) mais aussi les complications suite à de simples infections comme la grippe ou... la Covid-19. Une partie des com- plications de cette maladie est due à un emballement du système immunitaire (appelé orage cytokinique). Stimulé par l'infection au coronavirus, il ne s'attaque plus seulement aux cellules qui hébergent les virus, mais aussi aux cellules saines, notamment dans les bronches. C'est ainsi qu'il pro- voquerait des détresses respiratoires mortelles. Ces conséquences fatales seraient favorisées par un organisme où sévit déjà une inflammation chro- nique. Et, plus les kilos s'accumulent, plus le risque est important. C'est ce que montre une équipe de l'université d'Oxford, en avril 2021, après avoir analysé les données de 6,9 millions de patients au Royaume-Uni. Elles indiquent que le risque est minimal pour un IMC de 23, c'est-à-dire une corpulence jugée saine. Mais au-delà, chaque point supplémentaire d'IMC fait augmenter le risque d'être hospitalisé de 5 %, celui d'aller en réanimation de 10 %, et celui de décéder de 4 %. L'effet “poids” semble surtout important chez les jeunes de moins de 40 ans. Chez les plus âgés, c'est l'effet “âge” qui prend le dessus. ESCARRES, PLAIES ET NÉCROSES Une fois que le danger est écarté, vient le moment de la récupération. Les patients en surpoids souffrent plus facilement d'escarres, de plaies ou de nécroses de la peau dues à l'immobilisation prolongée. Pour les soigner, il faudra plus de soins et réapprendre à bouger. Heureuse- ment, dans ce tableau sombre, les personnes en surpoids présentent un petit avantage : leur survie en réanimation pourrait être meilleure. Car ils ont un peu plus de réserves métaboliques et résistent mieux à la dénutrition. Avec la vaccination, ouverte aux personnes présentant un IMC supérieur à 30, depuis début mai, la perspective de complications dues à la Covid-19, heureusement, s'éloigne. Mais d'autres épidémies pourraient survenir. Et il est pro- bable que les personnes en surpoids devront, encore une fois, se protéger plus que les autres. Le “sous-poids” : autre facteur de risque En deçà d'un IMC de 23, l'effet s'inverse. Moins on pèse, et plus le risque de faire une Covid-19 sévère augmente ! C'est la seconde conclusion de la vaste étude menée par Carmen Pier- nas et ses collègues à l'université d'Oxford début 2021. L'expli- cation : les malades sont plus fragiles, résistent moins à la dénutrition lors de la période de soin. Lors des deux premières vagues, la plupart des patients en réanimation avaient plus de 80 ans, et les moins solides étaient souvent les plus minces.

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