ANFORM MARTINIQUE N95

8 anform ! • mars - avril 2021 rencontre ••• une artiste nature Laurrence Brudey est chargée de communication aux Forces armées des Antilles, en Guadeloupe. Elle expose aussi. Car derrière la rigueur, elle nourrit une véritable passion pour l’art, les tableaux de sable et les totems. PAR BÉNÉDICTE JOURDIER “C e r t a i n s mesurent le temps avec des sabliers. Moi, quand je suis avec mon sable, le temps ne se mesure plus” , sourit Laurrence Brudey, installée dans son atelier. Sur son plan de travail s’accumulent de vieilles boîtes d’épices et autres contenants récu- pérés, dans lesquels Laurrence collectionne du sable coloré, des graines de Jacob, des langues de belles-mères, des graines de Donval, ses préférées. “Elles sont douces, agréables au bruit qu’elles font quand on les secoue, avec une brillance naturelle.” “Mon exutoire” Ces petites choses, insignifiantes pour beaucoup, Laurrence en fait des tableaux. Le soir, après son travail, c’est son “exutoire”, souffle- t-elle. Elle compose, redonne vie à ces petits bouts de nature. “Je surveille les herbes sur les clôtures de mes voisins, en espérant qu’ils ne couperont pas les plantes avant maturation des graines.” Créa- tive depuis toute petite, Laurrence prend autant de plaisir à récolter sa matière première qu’à composer ses tableaux. Elle en est à sa deuxième exposition en 2 ans ! Tout a com- mencé en Nouvelle-Calédonie, en 2006, lors d’une mutation de son ex-mari militaire. “Nous sommes restés 4 ans là-bas. Mon ex-femme s’est donné les moyens d’apprendre la technique des tableaux de sable et de réussir”, commente Louis Falemé, de passage. Elle a repris sérieusement les pinceaux en 2016, pour définir son style en 2018. “Elle a évolué, et a fini par trouver son identité artistique. Pour les enfants, ce sont de belles perspectives” , apprécie l’ex-mari. Âgés de 20, 14 et 12 ans, Willem, Lylian et Maïly participent chacun, à leur manière à cette nouvelle expérience. Au travers de l’entreprise Arti’sable, créée en 2019, le plus grand accompagne sa maman dans la comptabilité, le dosage des colorants et des sol- vants. Il est surnommé le “chimiste”. La mère de famille reconnaît avoir beaucoup de chance de pouvoir compter sur le soutien et l’autono- mie de ses enfants. Très impliqués, ils ont d’ailleurs chacun leur avis : “Elle est folle” , annonce avec amour le plus âgé. Et il se justifie : “Elle se lève la nuit, parfois à 2 h ! Il faut être dans sa tête pour comprendre.” Maïly, la dernière de la fratrie, reste impressionnée par la patience de sa maman qui pose de “minuscules grains, un à un”. Le sable est un des rares éléments que Laurrence ne collecte pas en nature. Il est interdit de prélever sur les plages dès lors que “les extractions de matériaux [...] risquent de compromettre, directement ou indirectement, l'inté- grité des plages, dunes littorales, falaises”, stipule l'article L. 321-8 du Code de l’environnement. Histoire de famille Alors, la passionnée récupère du sable de chantier qu’elle colore. “Moi, je ne savais pas dessiner, explique la mère de famille. C’est comme ça que j’ai travaillé sur l’estime de moi-même. Il y a une expression que j’aime beaucoup : l’art caresse le cerveau.” Laurrence explique, pinceau en main : “Je trempe mon pinceau dans le sable, et pour faire le dessin, je tapote sur un papier collant. Pour un dégradé, Laurrence Brudey,

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