ANFORM MARTINIQUE N93
novembre - décembre 2020 • anform ! 9 ••• À seulement 36 ans, le chef Nathanaël Ducteil a déjà un joli parcours derrière lui. Animé par le goût de l’excellence et une mentalité de champion, le Martiniquais est aujourd’hui un chef plébiscité par les amateurs de bonne table. PAR MARIE OZIER-LAFONTAINE N athanël Ducteil, vêtu de son tablier à l’effi- gie de son “Atelier ND”, nous accueille dans le coin salon de son atelier, juste après le service du déjeuner. Au menu du jour : daurade poêlée et sa sauce chien de palourdes, pintade boucanée et son chorizo ou bœuf mijoté au cumin. Créativité et métissage sont les maîtres-mots de ce chef toujours en quête de nou- velles saveurs. Chaque jour, l’atelier propose une carte à base de produits frais et locaux, revisités par le chef et son associé, Ulric Claude. Depuis l’inauguration en 2019 de ce lieu, entre restaurant intimiste et boudoir moderne, le succès est au rendez- vous. Une réussite exemplaire pour le chef Ducteil qui a découvert le métier presque par hasard. Les fourneaux de maman Nathanaël grandit dans une famille nombreuse, entouré de quatre frères et sœurs, au Lamentin. Tous les dimanches, sa mère, chauffeur de taxi et guide touristique, invite à déjeuner sa famille, et, parfois, des visiteurs de passage. Natha- naël aide sa mère aux fourneaux et use les pages des 12 volumes des Délices de la cuisine créole . “Les accras, les ragoûts, le matoutou n’avaient aucun secret pour moi. Mais à l’époque, jamais je n’ai imaginé en faire un métier. J’aidais ma mère, voilà tout” , confie le chef. Adolescent sportif, il se dépasse en football, athlétisme et handball. En compétition, il se forge un mental de gagnant. Ce qui ne l’empêche pas de s’éloigner peu à peu du système scolaire. À 17 ans, il préfère les dédales de la cité aux bancs du lycée. Face à ce décrochage, sa mère lui trouve un poste de plongeur dans un restaurant renommé… au Marigot. “Coupé de mon environ- nement pendant quelques mois, je me suis investi à 100 % dans mon travail. J’étais très curieux, j’obser- vais, intrigué, les gestes techniques du chef Franck Scherrer. Il a fini par me proposer de le rejoindre en cuisine. J’ai tout de suite accroché.” Chef à 22 ans Embauché par le prestigieux res- taurant Plein Soleil au Robert, le chef Scherrer propose alors au jeune Ducteil d’intégrer sa brigade en tant qu’apprenti. Inscrit au CFA de Rivière-Salée, le jeune homme apprend le métier, aux côtés de son formateur Jean-Philippe Campron. “Un homme doté d’un fort carac- tère, qui savait me bousculer quand il le fallait ! J’apprends avec lui la rigueur, l’exigence et la noblesse du métier” , explique-t-il. Compétiteur dans l’âme, Nathanaël obtient son BEP Cuisine en 1 an, au lieu des 2 ans habituellement requis. Il est embauché en tant que second aux côtés du chef Scherrer. Au départ de ce dernier, le patron de l’éta- blissement, Jean-Christophe Yoyo, mise sur Nathanaël. Il souhaite en faire son nouveau chef. Il l’envoie en formation au sein de l’école de cuisine d’Alain Ducasse, à Argen- teuil. “J’étais le seul Antillais, le moins expérimenté, le plus jeune… autant vous dire que je n’étais pas très à l’aise au départ ! Mais je me suis accroché, et en 3 mois, j’ai accumulé un maximum de connaissances et appris de nom- breuses techniques. Je savais qu’on m’attendait en Martinique. La pression était très forte pour le tout jeune homme que j’étais”, admet Nathanaël. De retour en Martinique, il coiffe la toque de chef. Il a 22 ans. Trouver son identité Pendant 10 ans, Nathanaël officie avec panache. “Les premiers temps, je travaillais 17 h par jour ! Il fallait tout gérer : la création des recettes, le management de l’équipe, la sélection des produits… J’ai foncé, parce que je voulais relever ce défi. Non sans heurts, car j’étais jeune et fougueux. Je n’ai pas toujours été patient avec mes équipes… En revanche, j’étais timide face aux clients ! Je n’osais pas aller en salle à leur rencontre, comme le font habituellement les chefs. Dépasser cela m’a pris du temps.” À son poste, le jeune chef se cherche mais n’a pas encore défini l’identité de sa cuisine. “Elle était européenne, avec des touches
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