ANFORM MARTINIQUE N89
8 anform ! • mars - avril 2020 rencontre ••• un parfum de réussite Le gommier, le pomelo, l’atoumo... Du bout de son nez, Tessa Whittaker maîtrise et assemble les senteurs locales. Depuis 10 ans, elle parfume la Guadeloupe et propose des créations sur mesure. PAR BÉNÉDICTE JOURDIER D eux gouttes de santal, du vétiver et un peu de cèdre. Vêtue d’une blouse blanche, Tessa Whittaker manipule délicatement les essences. Dans son laboratoire situé aux Abymes, elle crée la première version d’un parfum personnalisé pour un de ses clients. “Il y a une trentaine de matières premières. En création, je dépasse rarement la centaine, mais dans lecommerce, unparfum peut en contenir mille !” Pour cette formule unique, les notes de fond sont très boisées et rappellent à cette amoureuse de la nature, les randonnées en rivière. “Après mon diplôme obtenu à Grasse, ville emblématique de la parfumerie française, ça a tout son sens pour moi detravailler enGuadeloupe. Les senteurs y sont nombreuses.” En témoigne le nombre important de fioles en tous genres disposées çà et là sur les étagères de son laboratoire ou encore dans le réfrigérateur pour leur bonne conservation. “Entre les épices, les feuilles et les différents sables, chaqueendroit a uneodeur qui m’inspire dans mes créations”, apprécie la trentenaire. Le sable, une odeur ? Pour Tessa, c’est évident ! Son nez yest sensible. Elle en rit aujourd’hui avec ses proches. Bibliothèque olfactive La moindre odeur,agréable ou désa- gréable, lui parvient. “Lorsqu’une amiemerejoint,jesais tout desuite oùelleétait avant,si elleest passée prêt d’un boucan oupas.” La préci- sion de la jeune femme surprend son entourage. “Mon nez est tou- jours sollicité.J’aimesentir,analyser. En parfumerie, on ne peut pas dire qu’une odeur est désagréable. On dit qu’elleest originale.” Son odorat est une forme d’ouverture au monde. Un monde auquel le commun des mortels prête si peu attention…Et pourtant, elle ne porte même pas de parfum. “Le comble pour un parfumeur !”, plaisante Tessa.C’est pour préserver son nez et éviter les influences lors de la composition. Un nez qui est devenu son outil de travail.Et lorsqu’elle est enrhumée, c’est le chômage technique ! C’est au très sélectif Grasse institut of perfumery que la jeune femme s’est formée en 2009 avec plus de 1500matières premières à retenir. “Tessa a trouvé lebon compromis entre la scienceet l’art. Ellea tou- jours eu une grande sensibilité artistique et de bonnes aptitudes dans tout ce qu’elle entrepre- nait”, se souvient sa maman. “Aujourd’hui, elle porte tout à son nez.Cequi la met parfois dans des situations gênantes enmagasin!”, ajoute-t-elle en riant. C’est en 1998, à travers un documentaire, que la Guadeloupéenne a décou- vert le métier de parfumeur. Il présentait les métiers de la chimie. “Là, j’ai eu un déclic. Je me suis alors autoformée. J’achetais des matières premières, tout en pré- parant les concours. Dès lors que l’onprendconsciencedes odeurs, on se rendcompte de toute cette bibliothèque olfactive”, raconte Tessa Whittaker,
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