ANFORM MARTINIQUE N88

janvier - février 2020 • anform ! 109 avec les services de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire de Guadeloupe. “Nous avons les mêmes problèmes que dans l’Hexagone”, reconnaît le Dr Foucher, psychiatre au Centre hospitalier Maurice Despinoy à Fort-de-France, “avec une spécifi- cité aux Antilles, c’est que l’on a une hospitalisation sous contrainte très au-dessus des moyennes nationales. Des structures ferment en Martinique car elles sont jugées non rentables”, explique le psychiatre. Des restructu- rations ont en effet eu lieu entre 2014 et 2015, confirme l’ARS de Martinique. Les CMP de Rivière Pilote et du Saint- Esprit ont fermé, redéployés sur les CMP/CATTPde Rivière Salée et du Fran- çois. Le CMP de Saint-Joseph a fermé et été redéployé sur celui de Mongerald à Fort-de-France. “Tout cela crée des tensions que ressentent directement les patients” , ajoute le docteur. “Ils attendent plus longtemps leur prise en charge ou l’attribution de leur chambre. La fermeture des Centres médico-psy- chologiques (CMP) oblige les patients à faire plus de kilomètres. Certains arrêtent leur suivi car trop loin et trop contraignant. Et en Martinique, il n’y a pas eu de restructuration en EPSM” , regrette le psychiatre de Fort-de-France. Les Agences régionales de santé de Guadeloupe et de Martinique le savent, il y a un manque de spécialistes. “Les postes vacants sont nombreux, com- mente le Dr Michel Eynaud, et les intérimaires ne devraient pas être une solution. Encore moins dans le cadre de l’accompagnement psychiatrique qui peut durer longtemps parfois.” PLAN D’ACTION Outre les services d’urgences, les unités fermées et les centres médico- psychologiques, il ya aussi les équipes mobiles psychiatrie et précarité. Eva* en fait partie. Sur le secteur du Gosier, Les Abymes et Pointe-à-Pitre, elle prend en charge une dizaine de per- sonnes par jour avec ses collègues. Trois infirmiers, un éducateur spé- cialisé, une assistante sociale et une présence médicale répartie sur trois demi-journées. “C’est peu”, commente l’infirmière. “Le médecin a plus de quatre unités à gérer. Nous soignons et accompagnons des personnes en très grande précarité, en fauteuils roulants, des femmes enceintes, des personnes âgées, des personnes souffrant de pathologies psychiatriques comme la schizophrénie. Nous sommes confron- tés régulièrement au manque de lits d'hospitalisation à cause de la vétusté des locaux. En cas de nécessité pour nos patients, nous n'avons pas de solution. Nous nous sentons désem- parés face à la situation. Souvent, nous nous retrouvons en rupture de denrées alimentaires nous permettant de tisser ou de consolider le contact avec les personnes en grande précarité” , ajoute l’infirmière de l’équipe mobile psychia- trie et précarité. “Nous faisons des dons, payons parfois de nos poches des petits-déjeuners (sandwich, jus, café, chocolat)”. Tous les acteurs sont bien sûr conscients de l’état d’urgence. Dans le cadre du programme “Ma santé 2022” , l’ARS de Guadeloupe a lancé en septembre un “projet territorial de santé mentale” pour la Guadeloupe et des îles du Nord visant à recenser les besoins et les insuffisances des ser- vices pour lancer un plan d’action qu’il faudra attendre, au mieuxen 2020. La Martinique, elle, est actuellement en construction de son projet territorial de santé mentale. *Le prénom a été modifié. Quelques chiffres • Selon l’OMS, les mala- dies mentales affectent 1 personne sur 5 chaque année en France.  • En Guadeloupe, 34 % de la population souffre de troubles psychiques et 25 % a déjà consommé des psychotropes contre 22 % en Martinique avec 35 % d’hommes et 7 % de femmes. Source : résultats de l’enquête “Santé mentale en population générale : images et réalités” , 2014, CCOMS, CHM, CHU, ARS. © BÉNÉDICTE JOURDIER

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