ANFORM MARTINIQUE N83

8 anform ! • mars - avril 2019 rencontre ••• "Il faut oser être !" La conférence dansée Le temps , présentée à Sonis, aux Abymes, retrace l’itinéraire du danseur et chorégraphe, Éric Gagneur. Suite à cette représentation, il nous offre de son temps, justement. Lui, le danseur, l’homme au corps blessé, le créateur, le chorégraphe, l’homme en vie. PAR ANNE DE TARRAGON A lors oui, c’est vrai, il y a la canne et ce corps qui avoue ce qu’il a souffert, l’accident cardiovasculaire, les séquelles, la bataille pour la vie. Mais il y a aussi et surtout, le sourire, àla fois pudique et joyeux, comme celui d’un enfant. Et le regard qui pétille de joie de vivre. Pour se lancer, on évoque son actualité : Le temps, cet étonnant et foisonnant travail qui réunit vidéos, photographies, création sonore et séquences dansées, sous la houlette d'un chercheur en anthropologie de la danse, Lucien Peter. La Ville des Abymes, mobilisée pour l’inclusion et la lutte contre le handicap, s’at- tache ainsi à valoriser le patrimoine immatériel en soutenant les artistes, comme Éric Gagneur, depuis 2017, leur offrant un espace de création et une chance d’exprimer leur art, leur être. Éric Gagneur est un chorégraphe handicapé. Sa démarche est donc doublement intérieure dans cette compréhension du corps empêché, amoindri, parfois humilié, et dans ce souci d’intégration des handica- pés. “À l’intérieur du corps blessé, l’être est toujours là. Il ne faut pas s’arrêter au superficiel, il faut oser être et s’accepter comme on est.” Le temps …Déjà une représentation, le 20 décembre dernier, d’autres en 2019 et la richesse des échanges que nourrissent les invités, mais aussi les spectateurs. Tous sont en effet conviés à participer à l’évolu- tion de cette forme artistique hybride. Comme le dit Éric Gagneur : “La nais- sance des choses est dans le partage. C’est un langage universel qui parle à tout le monde. Le temps en témoigne. La création est constante, c’est une manière d’être.” “Le bouger” L’enfance de l’artiste, né un 21 décembre 1961 à Pointe-à-Pitre, se déroule dans ce quartier fait à l’époque de petites maisons basses près de la mairie. Très tôt, il est pris par ce qu’il nomme “le bouger” ,débu- tant par les danses gwo ka et autres, sur les galeries des maisons amies, à chaque occasion festive. Bientôt, àla suite de John Travolta et de la période disco, “le bouger” s’intensifie et se diversifie encore : quelques copains, une galerie plus vaste, une chaîne au son tonique. “On dansait tout le temps” , se souvient Éric Gagneur en souriant. “Après, on a découvert le jazz “expérimental”. On ne savait rien de la danse. On s’exprimait, on laissait nos corps s’exprimer dans la jubilation du bouger.” Puis la vie se charge des rencontres qui ouvrent les portes. “J’ai adoré apprendre par mimétisme. Ça enrichit beaucoup.” Un dimanche de télé, Éric découvre un ballet d’Alvin Ailey. C’est une révé- lation. “J’ai compris que c’était un vrai travail, difficile. Quand tu comprends, l’esprit dirige le corps. C’est entré en moi et j’ai su que je voulais être cho- régraphe. La danse, c’était tellement fort dans mon cœur et dans ma tête que je ne pensais même pas à en faire un métier. Je ne pensais qu’à vivre. Du moment que j’ai commencé à danser, je n’ai plus arrêté. L’envie est toujours là, elle s’est transformée.” Éric Gagneur :

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