ANFORM MARTINIQUE N83
mars - avril 2019 • anform ! 141 QUESTIONS À... Daniel Ecalard, géomètre hydrographe de formation, président de l’association Martinique course au large Au-delà de la pollution visuelle, en quoi ces épaves constituent-elles un danger ? Ces bateaux de plaisance hors d’usage, ou BPHU selon le sigle consa- cré, ne sont pas des déchets comme les autres. Chaque épave abandon- née en mer constitue un risque. Pour la navigation qu’ils peuvent entraver allant jusqu’à causer des collisions, pour le public lors d’échouages sur les plages et pour les écosystèmes marins soumis à des sources de pollutions importantes. Un bateau qui flotte ne pollue pas, une fois coulé ou en passe de l’être, il devient une source de pol- lution redoutable contenant du gasoil, des huiles, des batteries, du plomb, des produits pyrotechniques, des eaux noires, des déchets d’installations électriques… qui vont se répandre, contaminer la faune et la flore marine. Actuellement, comment sont- elles traitées ? Faute d’une filière adaptée, le traite- ment d’une épave consiste jusqu’à présent àla récupérer et la ramener à terre où elle est stockée avant d’être détruite comme un déchet ordinaire sans tri préalable des matériaux ni trai- tement des fluides. À quoi servira le bateau dépollueur ? Il s’agira d’un centre de déconstruction mobile à part entière et qui fonction- nera en parfaite autonomie. Surtout, il assurera le respect des règles environ- nementales basiques de traitement des déchets. Nous avons conçu le projet pour pouvoir tout faire et tout prendre en charge sur l’eau, au plus près du lieu de repérage de l’épave. Afin de limiter tout risque de pollution lié au transport, nous intervenons avec une mise en confinement de l’épave, pour en extraire les différentes sources de pollutions. Une fois l’intervention termi- née, les bennes contenant les déchets solides et liquides sont ramenées à terre pour intégrer leur propre voie de recyclage. Existe-t-il suffisamment de main-d’œuvre pour faire fonctionner une telle filière ? C’est l’un des volets clés de la réussite du projet : faire acquérir des compé- tences àdes personnes éloignées de l’emploi et les insérer dans les métiers spécifiques à cette nouvelle filière, tels que scaphandrier, oxycoupage, levage ou encore tri des matériaux recyclables. Quid du financement ? Faire partie des projets candidats au financement européen dans le cadre de la politique en faveur des Rup per- mettra de démarrer et de nous doter de notre outil de travail. Surtout, notre unité mobile de récupération et dépollution sera également conçue pour permettre le reconditionnement des BPHU ! Après diagnostic, certains bateaux abandon- nés pourront être remis en état par une seconde équipe au sol, encadrée par des professionnels du nautisme. Nous estimons que chaque année, sur les 15 à20 épaves supplémentaires, 5 à 6% peuvent être remises en état, puis revendues 20 000 à25 000 euros. Ça sera la clé d’un modèle d’économie cir- culaire autonome. Le projet a-t-il vocation à s’étendre aux autres îles de la Caraïbe ? Une fois opérationnelle et à l’eau, notre unité mobile pourra intervenir partout où il est possible de navi- guer. Oui, c’est l’ambition àterme de pouvoir agir également sur le littoral de la Guadeloupe et ailleurs. Toutes les îles sont concernées par la pollu- tion et la gestion de ces épaves. © MATHIEU RACHED
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