ANFORM MARTINIQUE N80
8 anform ! • septembre - octobre 2018 rencontre ••• la tête dans les nuages Les ouragans Irma et Maria ont cruellement rappelé le rôle primordial de la prévision météorologique. En pleine saison cyclonique, faisons la connaissance de Jean-Noël Degrace, météorologue et directeur de Météo France Martinique. PAR THOMAS THURAR I l est le visage de Météo France Martinique. Depuis 20 ans, Jean-Noël Degrace met en garde, anticipe, rassure les Martiniquais quand des phénomènes climatiques viennent assombrir le ciel des Petites Antilles. Le chef de centre a derrière lui 36 ans d’expérience de cette science de la prévision. Tout a démarré en terminale, par hasard. Un camarade de classe l’appelle et lui dit : “ Je dois passer le concours météo et ma 2 cv est en panne. Est-ce que tu peux m’y emmener ? Si tu veux, tu peux même t’inscrire…” Il l’emmène, passe le concours et le réussit du premier coup ! Pas son copain… Son arrivée en Martinique n’a pas été dictée par la recherche du petit coin de paradis mais plutôt parce qu’il y avait beaucoup plus à faire sous les tropiques. “ J’aime les défis, qu’il y ait des choses àconstruire.” Bien équipés Pour prévoir le temps en Martinique et aux alentours, le centre du Lamen- tin est le mieux équipé des Petites Antilles. Les prévisionnistes peuvent s’appuyer sur les données d’un radar de précipitation, d’une quarantaine de stations météo automatiques dis- persées sur l’île pour les observations et mesures, de trois houlographes (mesure de la houle), sur les obser- vations par satellites mais également sur les calculs des super-ordinateurs de Toulouse qui utilisent un modèle numérique pour prévoir le temps. Grâce à tous ces instruments, mais aussi aux échanges d’informations avec d’autres pays, comme les États- Unis, il est possible de prévoir de manière de plus en plus précise, mais aussi très tôt, la formation puis la tra- jectoire des ouragans qui chaque année viennent frapper les Antilles. “La prévision cyclonique a énormé- ment évolué ces dernières années, insiste Jean-Noël Degrace. Il y a encore 10ans, on faisait 150/200km d’erreurs dans la prévision de la tra- jectoire. Dans les cas d’Irma et Maria, àun jour d’échéance, les erreurs de prévision étaient de 30 à40 km. On a divisé pratiquement par cinq les erreurs.” En revanche, le scientifique reconnaît qu’il faut encore progresser sur l’estimation de l’intensité du phé- nomène. Toutefois, la priorité reste avant tout la trajectoire, car c’est elle qui définit au final les alertes à déclen- cher ou pas. Plus puissants Cette année, les experts annoncent une saison moins intense que 2017 mais qui figure tout de même parmi les plus actives des 30 dernières années. 12 à 15 tempêtes sont attendues, entre 6 et 8 pourraient se transformer en ouragan, et enfin 3 à 5 seront potentiellement placés dans la catégorie des ouragans majeurs, classés de 3à 5. Pour Jean- Noël Degrace, cette projection a ses limites. “C’est très utile pour améliorer la compréhension des mécanismes qui donnent les conditions favorables à la naissance d’un cyclone. Mais, d’un point de vue opérationnel, cela ne sert àrien et peut être contrepro- ductif. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit des prévisions pour l’ensemble du bassin Atlantique et Caraïbe. Cela ne veut plus rien dire ramené àune île.” Pour exemple, en 2005, l’année Jean-Noël Degrace,
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