ANFORM MARTINIQUE N80

74 anform ! • septembre - octobre 2018 F in, épais, dessiné ou brous- sailleux, le sourcil est un élément qui structure le visage. Si sa forme varie selon les individus, elle est aussi large- ment tributaire de la mode. Depuis des décennies, les critères de beauté dictés par les icônes de la mode et du cinéma nous conduisent à épiler nos sourcils pour les rendre tantôt plus fins ou plus harmonieux, tantôt plus arrondis ou plus graphiques. Les sourcils broussail- leux ont tendance à être perçus comme négligés. Quant aux poils situés à la naissance du nez, qui assurent une continuité entre les deux sourcils, ils sont souvent jugés disgracieux. PROTÉGER DU SOLEIL D'un point de vue strictement pragma- tique, on peut s'interroger sur l'utilité de ces poils en plein milieu du visage. Dans la communauté scientifique, la réponse n'est pas tranchée. Du fait de leur place sur les arcades, les cher- cheurs ont longtemps considéré que le rôle des sourcils était de protéger les yeux du soleil, de la pluie ou de la poussière. Il est vrai qu'en cas d'agres- sion de ces facteurs extérieurs, nous avons tendance à froncer nos sourcils pour augmenter leur rôle protecteur. Cependant, ce rôle ne serait peut-être pas la principale raison d'être de nos sourcils. Dans un article publié en avril dernier dans la revue scientifique Nature , une équipe de chercheurs portugais et britanniques propose une nouvelle hypothèse. Nos sour- cils seraient apparus pour favoriser l'expression de nos émotions. Les cher- cheurs se sont d'abord intéressés aux arcades prononcées de nos lointains ancêtres préhistoriques. Depuis des décennies, de nombreuses hypothèses ont été proposées quant à leur rôle : éléments intermédiaires pour remplir l'espace entre l'os frontal et les orbites (la forme du crâne de nos ancêtres étant différente de la nôtre, plus étirée vers l'arrière), éléments protecteurs du cerveau contre les chocs liés à la mas- tication, ou encore contre les coups... Les chercheurs ont donc modélisé le crâne fossilisé d'un hominidé vieux de près de 300 000 ans et lui ont virtuel- lement appliqué diverses contraintes. Résultat, des arcades plus petites et moins accentuées auraient été ample- ment suffisantes d'un point de vue anatomique, comme fonctionnel. PLUS AGRESSIFS En revanche, les arcades des anciens hominidés étaient toujours plus mar- quées chez les hommes que chez les femmes, les gratifiant d'une allure plus agressive. Les chercheurs ont donc exploré le rôle social de ces grosses arcades. Or, au cours des millénaires, les arcades proéminentes de nos ancêtres ont progressivement disparu pour gagner en pilosité, tandis que les muscles de cette partie du visage sont devenus plus mobiles. “La transforma- Arcs de triomphe Ils sont un atout beauté. On leur attribue un rôle protecteur. Toutefois, nos sourcils pourraient être apparus afin de favoriser l'expression de nos émotions… PAR LUCIE DANIEL À quoi servent nos sourcils ?