ANFORM MARTINIQUE N78

38 anform ! • mai - juin 2018 © ISTOCKPHOTO Dossier Vous faites confiance àvotremémoire car vous la savez excellente et vous êtes prompt àvous souvenir très pré- cisément de certains événements. Comme par exemple cette magni- fique randonnée au pied d'une cascade, effectuée en famille l'année passée, et que vous évoquez avec moult détails. Sauf que personne, à part vous, ne s'en souvient. Et d'ail- leurs, les détails auxquels vous faites allusion se sont produits lors d'une autre randonnée. Vos interlocuteurs en sont certains ! Après 10 min d'énervement, une dispute évitée de justesse, et les 678 photos archivées dans votre smartphone parcourues de longen large… vous découvrez que la cascade en question, vous y êtes allé,mais c'était il y a 3 ans et avec des amis. Souvenirs erronés Il est toujours désagréable de décou- vrir que notre mémoire nous trompe. Et cela ne signifie pas pour autant qu'elle est défaillante.Dans une expé- rience, des chercheurs canadiens et néo-zélandais ont réussi à créer de faux souvenirs d'enfance. Pour cela, ils ont eu recours àdes photographies truquées, dans lesquelles les partici- pants se voyaient,enfant,àbord d'une montgolfière. Dans 50% des cas,les personnes se sont finalement “souve- nues” de la promenade en ballon… bien qu'elle n'ait jamais eu lieu. Rôle des émotions Mais alors,qu'est-ce qu'un souvenir ? Un souvenir, c'est un réseau de neu- rones que l'on appelle un engramme. “La formation des souvenirs fait inter- venir plusieurs aires du cerveau : les structures corticales, qui reçoivent les signaux perçus (visuels, auditifs...), puis l’hippocampe qui joue un rôle central dans la mémoire et permet une unification de la perception, explique le professeur Robert Jaffard. L'hippocampe interagit avec l'amyg- dale (la structure liée aux émotions) qui donne une certaine coloration au souvenir. Enfin les lobes fron- taux, véritable système de pilotage, coordonnent l'ensemble.” Une fois l’événement vécu, le souvenir se consolide en quelques heures si les connexions entre les neurones sont renforcées.L'hippocampe est particu- lièrement impliqué dans ce processus et stocke provisoirement les informa- tions.Ensuite,s'opère un phénomène de consolidation lente,avecun trans- fert du souvenir de l’hippocampe vers le cortex. Les scientifiques appellent cela le transfert cortical. Quand la consolidation se fixe, l’hippocampe n'est plus impliqué dans le stockage de ce souvenir.On perd des détails et le souvenir devient plus proche d'une connaissance (du type de ce que l'on apprend àl’école)que d'un souvenir. En outre,les événements sont souvent enregistrés avecune charge émotion- nelle, puisque l'amygdale, la “boîte à émotion” du cerveau, joue un grand rôle dans la formation des souve- nirs. Cette implication des émotions explique le fait que des événements banals restent en mémoire si une émotion forte les a accompagnés. “Or, la mémoire évolue sans arrêt et rien n'est jamais gravé dans le marbre, insiste le professeur Jaffard. Àchaque fois que la mémoire est réactivée,elle devient instable et entre à nouveau dans un état de plasticité. C'est àce moment-là que de fausses informa- tions peuvent se greffer àun souvenir.” Ainsi,plus on se remémore un souve- nir,plus on le consolide,mais plus on risque également de le modifier. Les souvenirs sont doncvivants et trans- formés dans le temps par la vie que nous vivons. 5 Notre mémoire nous trompe.

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