ANFORM MARTINIQUE N78
mai - juin 2018 • anform ! 151 que tous les actes qui emportent le discrédit du salarié (sanctions injustifiées, critiques constantes, humiliations). Il peut s’agir aussi du fait de confier au salarié des attribu- tions non adaptées à sa fonction. Des tâches subalternes, comme demander àun cadre de balayer un parkingou au contraire le charger de tâches excédant sa compétence, le surcharger de travail pour le pousser àla faute” , expliqueM e Alain Antoine insistant sur la volonté de nuire qui anime l’auteur du harcèlement. Quelles sont les conséquences sur la victime ? “De plus en plus diminuée, elle perd toute confiance en elle, culpabilise, s’isole, pour finir tapie, recroquevillée sur elle-même dans une souffrance léthargique.” Les faits de harcèlement sont très graves. Ils causent des dégâts énormes dans la vie du salarié, que ce soit sur sa santé (insom- nies, troubles alimentaires, fausses couches, maux de dos), sur son évolution de carrière et même sur sa vie personnelle, mettant parfois sa vie de couple en péril. Ils peuvent mener au suicide. Que faire lorsqu’on est victime ? “En parler !” Il ne faut pas rester seul mais se tourner vers les représentants du personnel dans l’entreprise, la médecine du travail ou son médecin traitant. Si les faits de harcèlement sont commis par un collègue, il faut savoir que l’em- ployeur est tenu d’une obligation de sécurité et doit assurer la santé de ses salariés. Quelle est la sanction encourue ? Lorsque les faits sont démontrés, l’auteur encourt une peine allant jusqu’à2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. La victime peut prétendre à des dommages et intérêts. Quelle est la procédure ? L’action peut être intentée soit devant le juge pénal, soit devant le conseil des prud’hommes (CPH). La pro- cédure dure en moyenne de 12 à 18 mois devant le CPH et plusieurs années au pénal. Le coût des hono- raires est variable d’un avocat à l’autre et selon la difficulté du dossier àtraiter.M e Alain Antoine insiste sur le fait que le coût de la procédure ne doit pas être un frein àl’action, la France favorisant l’accès au droit grâce à l’aide juridictionnelle. Il alerte en outre sur la nécessité de se faire assister par un avocat compétent et spécialiste en droit du travail. “La preuve d’un harcè- lement est très complexe àrapporter. Sur les 200 000 dossiers de harcèle- ment moral déposés chaque année, seuls 10%aboutissent. La victime est déjà très affaiblie moralement dans ce genre d’affaire. Si elle perd son procès, elle se trouve anéantie.” *Art L1152-1du Code du travail “Il m’accablait de reproches” Jeune diplômée de 25 ans, je cherchais du travail en Métropole lorsque j’ai vu une annonce pour les Antilles. Un poste de chef d’équipe de cinq personnes avec des conditions de rémunération exceptionnelles. J’ai débarqué aux Antilles et fait la connaissance de mon employeur. Un homme plutôt charmant, de l’âge de mon père, un peu dans la séduction. Il a tout fait pour que je me sente bien. Il m’a aidée à m’installer en me louant une voiture, me faisait visiter l’île le week-end, m’a fait déguster des fruits exotiques… Puis, il est devenu de plus en plus intrusif. Jeune, isolée de ma famille, je me suis dit : “Ça va aller, je vais prendre mes distances et gérer la situation.” Puis un jour, un ami de Métropole m’a rendu visite pour les vacances et est venu me chercher au travail. À partir de ce moment-là, tout a basculé. II est devenu horrible, me convoquant dans son bureau pour des lavages de cerveaux, m’accablant de reproches, m’humiliant devant les collègues et les clients, et restreignant mes attributions… C’était de pire en pire. J’ai eu des douleurs physiques, mal au dos, je pleurais de plus en plus. Un jour, j’apprends qu’il a changé mes horaires. Folle de rage, je débarque dans son bureau pour lui demander une rupture conventionnelle. Il refuse. J’ai pris contact avec la médecine du travail qui m’a alertée sur la gravité des faits. J’ai tenu encore quelques semaines avant de craquer et de démissionner. Sophie, 30 ans
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