ANFORM MARTINIQUE N75
38 anform ! • novembre - décembre 2017 Dossier petit enfant. Mais également en fonction de l’accès à l’aliment, son coût”, insiste Armide Lafortune, dié- téticienne-nutritionniste. De même, les habitudes culinaires spécifiques à chaque culture influenceront l’appréciation et la recherche de certaines saveurs. C’est pourquoi un mets très apprécié dans un pays peut être difficilement compréhen- sible pour d’autres. Salivez-vous devant une gelée anglaise ? Ose- riez-vous déguster un œuf de 100 ans, œuf noirâtre conservé pendant de longs mois dans de la chaux et très apprécié des Chinois ? Coupable ou non-coupable ? Alors, pourquoi nous sentons-nous coupable lorsque nous “cra- quons” ? Le plaisir de manger, et même le plaisir tout court, n’est pas chose simple dans notre société… Entre luxure et envie, la gourman- dise fait tout de même partie des sept péchés capitaux. Et comme punition, Dante (La divine comédie) imaginait les gloutons au troisième niveau de l'enfer, condamnés à se vautrer dans la boue, sous une pluie noire et glaciale ! Heureu- sement, au fil des siècles, le péché capital est devenu péché mignon. Et, au fond, si cet éclair au chocolat ne m’était pas “interdit”, aurait-il la même saveur ? Nous trouvons alors quantité d’arguments pour justifier nos petites transgressions, géné- rant chez certains une “anxiété de l’appétit”, déplore la psychanalyste Gisèle Harrus-Révidi (3) . Une anxiété exacerbée par le diktat des régimes et les campagnes d’informations nutritionnelles. À trop focaliser sur les valeurs nutritionnelles des produits, la notion de plaisir de manger a été occultée. Il n’existe plus que deux catégories de produits : les produits sains et produits gras/ sucrés. De nombreux diététiciens-nutritionnistes s’inquiètent aujourd’hui de ce match réducteur. “Il y a un temps pour les fruits et les légumes, et un temps pour les biscuits, les chocolats et autres délices”, avance Gérard Apfel- dorfer, auteur de Maigrir sans © ISTOCKPHOTO Nul doute que vous préférez relever vos plats d’un odorant piment antillais ! Une culture culinaire commune favorisant le sentiment d’appartenance à un groupe, une tradition, un territoire. En ce sens, les dégustations des fêtes de fin d’année participent à une gourmandise collective, nous ras- semblant joyeusement autour de codes culinaires partagés (cochon, foie gras, langoustes, champagne, etc.). Et dans ce contexte festif, les tables étincelantes et les dégusta- tions soignées ajoutent le plaisir des yeux àcelui des papilles ! “La gourmandise n’est pas qu’une affaire de goût, elle est aussi odeur, texture, vue, plaisir d’une belle table…” , confirme Arnaud Bloquel, chef cuisinier. Lorsqu’elle se lie aux arts de la table, la gourmandise obtient le sacre du raffinement et du savoir-vivre. Elle ras- semble passionnés et curieux. “Un échange autour du plaisir et du goût, où les personnes discutent et s’interrogent sur le mariage osé de certaines saveurs”, décrit Arnaud Bloquel. Discussions, bons propos, littéra- ture, chroniques gastronomiques, la gourmandise “entretient un lien étroit et ténu avec la parole, le langage” , écrit Virginie de Fozières, psychanalyste clini- cienne. •••
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