ANFORM MARTINIQUE N115

|Rendez-vous| 12|anform ! ◆ juillet - août 2024| J’avais un reste visuel grâce au deuxième œil, mais j’étais déjà malvoyant. J’ai fini par perdre mon deuxième œil en 2007. En 2008, j’ai sombré dans une profonde dépression, épuisé d’être quotidiennement au combat. Heureusement, ma famille, très soudée, m’a beaucoup soutenu. Mais j’ai pris beaucoup de poids à cause des différents traitements et j’ai dû faire une remise en cause globale de ma vie. J’avais 24 ans et j’étais dès lors atteint de cécité. J’ai dû accepter cette fatalité… Vous avez également dû mener un combat juridique ? Effectivement, en 2006 a eu lieu la reconstitution de l’accident qui m’a coûté la vue et a permis de démontrer les incohérences et la bavure policière. Ma famille et moi sommes entrés dans un procès long et pénible, mais dans lequel nous avons eu gain de cause en 2010. En attendant, il fallait que je refasse ma vie en tant que non-voyant et je suis parti 3 ans dans l’Hexagone dans un centre de formation adapté où j’ai pu apprendre l’informatique et le braille. C’est aussi là-bas que j’ai repris le sport avec le jujitsu brésilien, et à mon retour en Guadeloupe, le destin m’a fait recroiser Nicolas Moradel, entraîneur de judo. Il décide alors de me reprendre en main, en partenariat avec le Creps. Mais la prise de médicaments avait induit une prise de poids. La reprise du judo a été une véritable renaissance pour vous, n’est-ce pas ? L’année 2015 a marqué un tournant dans ma vie. J’ai côtoyé Antoine Hays au Creps, qui a été entraîneur de l’équipe de France parajudo et qui a beaucoup œuvré pour le handisport. Il m’a permis d’aller en stage à Angers avec l’équipe de France en préparation des Jeux de Rio de 2016. Dès lors, j’ai gravi beaucoup d’échelons en peu de temps. J’ai repris ma ceinture bleue atteinte à l’âge de 14 ans et j’ai vite obtenu ma ceinture noire 1ère dan. Le judo m’a permis de transcender la douleur mentale et a développé ma rage de vaincre qui est mon moteur lors des combats. Vu que je suis le seul parasportif de ce niveau en Guadeloupe, je dois m’entraîner et combattre contre des judokas valides. Et en 2018, j’ai décroché le titre de champion de France, ce qui me permet d’intégrer l’équipe de France. Depuis, j’ai remporté l’Open d’Allemagne en 2019 et le Grand Prix du Portugal en janvier 2023. Ces titres me rendent très fier. Comment préparez-vous les Jeux paralympiques de Paris 2024 ? Je m’entraîne activement au Creps depuis décembre 2023 ainsi qu’en club avec Nicolas Moradel et je voyage beaucoup pour des compétitions et confrontations. Je suis un grand rêveur. Lorsque j’étais gamin, je me voyais judoka professionnel à l’Insep. Aujourd’hui, malgré mon handicap, il m’arrive de m’y entraîner ! Les rêves prennent parfois de bien étranges détours, mais ils finissent par se réaliser si on ne les lâche jamais. J’ai connu des moments où j’ai failli perdre la raison, mais j’ai bataillé férocement pour remonter la pente et prouver ma résilience. Aujourd’hui, rien ne peut m’arrêter. © BARBARA KELLER « En Guadeloupe, je m’entraîne avec des judokas valides. »

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