ANFORM MARTINIQUE N107

| anform ! ◆ mars-avril 2023| 99 Aouatef, 47 ans, travaille sur le programme Erasmus, en faveur de la jeunesse « Ça me volait du temps de vie » « Quand j’étais sur Facebook, je me connectais trop souvent. Ça me volait du temps de vie » . Inscrite depuis 2008, Aouatef se désinscrit de ce réseau social en 2017. « C’est l’une des meilleures décisions que j’ai prise ! Le temps que je perdais sur les réseaux, je l’investis dans des projets et des relations bien plus constructives. C’est comme une auto-exclusion salvatrice. » Au début pourtant, Aouatef ne voyait pas d’un mauvais œil l’avènement des réseaux. Elle regrette aujourd’hui les dérives d’une mau- vaise utilisation. « Ils constituaient à la base une occasion formidable (business, échange de savoirs, marketing, communautés d’intérêts...). Mais ils sont devenus extrêmement malsains. Des réseaux comme Facebook, Instagram, Twitter et TikTok sont aujourd’hui des armes de destruction des esprits. Il y a une vraie volonté d’abrutir la jeunesse en particulier, de la rendre dépressive et isolée, à travers de nombreuses dérives : consumérisme, pornographie, challenges idiots, syn- drome Fomo (peur de rater quelque chose, NDLR), cancel culture (culture de l’exclusion), maladies mentales, en plus de la collecte des données permanentes. Car comme le dit l’adage : « Si c’est gratuit, c’est vous le produit » » , pense Aouatef. « J’encourage au- jourd’hui les gens avec qui je travaille à se lancer dans une détoxification digitale. Lorsque j’anime une semaine de projet, j’an- nonce la couleur : « Pas de téléphone pendant mes sessions de travail. » Je leur explique que ça permet une meilleure dynamique de groupe, une réelle connexion entre les par- ticipants, moins de nervosité. » » Chiraz, 46 ans, enseignante et traductrice « On ne sait plus se parler » « Depuis que j’ai quitté Facebook, j’ai repris contact avec des amis, je lis les journaux. J’ai re- trouvé une vie sociale et familiale plus vraie. Je suis plus en contrôle de ma vie, je vais chercher moi-même ce que je veux comme information, quand je veux. » Chiraz a le sentiment de s’être retrouvée. « En étant loin des réseaux, je me re- connecte avec moi-même, avec les autres, et je suis en meilleure santé physique et psychique. Au lieu de regarder les photos de randonnées des autres, j’ai repris goût à la marche et j’ai rejoint une association locale avec laquelle je marche tous les dimanches. Il y a peu de temps, j’ai été interpellée par un panneau publicitaire qui disait « Passez des fêtes connectées ! ». Même pen- dant les fêtes, il y a aujourd’hui peu de chaleur humaine. Au nom du progrès, on fait fausse route. Cela crée de lamisère sociale et affec- tive et des problèmes mentaux. Ces téléphones devaient nous connecter da- vantage les uns aux autres et le résultat est que les gens ne savent plus se parler, se regarder dans les yeux. Ça me remplit de désarroi et de tristesse. »

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