ANFORM MARTINIQUE N103

juillet - août 2022 • anform ! 91 la fonction sexuelle, par manque de temps et par la nécessité d’une attention extrême et constante. Et son organisme s’adapte, produit moins de testostérone. Si ne pas avoir de sexualité était grave, une partie non négligeable de la planète serait malade. En réalité, l’absti- nence n’est pas dangereuse quand elle est bien vécue. “C’est notam- ment le cas pour les asexuels qui ne ressentent pas de désir sexuel”, exprime Diane Alot-Nolar. Mais si elle n’est pas choisie ou si elle est empêchée, comme dans le handi- cap, la maladie, un séjour en prison ou un célibat de longue durée, elle peut être source de frustration et de souffrance. “Il y a eu une période de ma vie, de 24 à 29 ans, où, après une blessure, je n’ai pas eu de sexualité partagée pendant 5 ans. Le manque essentiel, c’était le manque de toucher, de tendresse. Ça n’excluait pas la masturbation, mais j’ai perdu l’habitude d’entrer en contact avec l’autre, de me laisser approcher. J’ai perdu confiance en moi et je me suis finalement coupée de cette part de moi, comme pour ne plus ressentir. Un jour, j’ai eu rendez-vous chez un ostéopathe et quand il m’a touchée, ça m’a rappelé ce manque vertigineux, car nous sommes des êtres de contact. Et je me suis souvenue, pour ne plus jamais oublier” , témoigne Naïma, 35 ans. “On a une sexualité qui n’a plus de temps mort. On est sous pression tout le temps. Il fau- drait ne jamais s'arrêter et si on le faisait, ce serait forcément un échec personnel, un échec de couple. Et on sait que ça ne marche pas, parce que c'est l'absence qui crée le désir. Sans absence, on banalise la sexua- lité et on peut même développer une forme d'indifférence. Si le plaisir est toujours disponible, alors la sexualité n'a plus de valeur”, exprime Maïa Mazaurette, auteure spécialiste des questions de sexualité. MENSONGES Se passer de sexualité est parfois considéré comme une anomalie sociale, alors on tait, on ment, on s’invente des performances. Pourtant, comme dans tout, la tempérance, l’attente et les pauses ont du bon. La vraie question est peut-être de savoir donc comment vivre ou retrouver une sexualité de qualité. “Nous n’avons pas tous les mêmes besoins. On a des his- toires, un cheminement. Moi, je ne ressens pas d’envie sexuelle avec un homme, maintenant. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu’il y a un âge. Je sens en fait qu’il y a quelque chose de tellement magique à vivre que je me réserve pour ça si ça doit m’arriver, mais je ne me sens pas frustrée. Que cherche-t-on finale- ment chez l’autre ?” , questionne Maryse, 58 ans. EN ACCORD AVEC SOI-MÊME En prenant de la hauteur par rapport au dispositif “sexualité”, on s’extrait de ce qui est construit, de ce qui est normé. En se reliant à soi, à celui qu’on est vraiment, à ce que l’on veut, on parvient à une sorte de complétude. On peut alors rencon- trer l’autre, vraiment, si besoin est. Il n’est plus alors question de domi- nation, de réussite mais, plutôt de magie. C’est là que s’exerce une réelle présence à l’autre, que la sexualité peut devenir un domaine d’exploration partagé, essentiel. “On se passe de sexualité jusqu’à la puberté. Ensuite, je pense que non, on ne peut plus s’en passer. C’est un besoin physiologique, une énergie fondamentale de vie”, estime Ruben, 40 ans. “En réalité, l’abstinence n’est pas dangereuse quand elle est bien vécue.”

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