ANFORM GUYANE N84

mai - juin 2019 • anform ! 37 Quelle est la maladie dont souffre votre fille ? Le syndrome de Williams et Beuren est une maladie génétique rare caractérisée par une anomalie du développement qui associe malforma- tion cardiaque, retard psychomoteur, hypertension artérielle et altération de la fonction rénale. Quand avez-vous découvert son syndrome ? J’ai accouché àTrinidad en novembre 2011. Roanne était un bébé de petit poids. Les médecins là-bas n’ont rien vu. Pourtant, elle avait une forte chute des plaquettes sanguines et une hernie ombilicale. Les premiers mois, elle présentait d’importants troubles du sommeil et digestifs. Elle hurlait la nuit et c’était très difficile àgérer.À16mois, on a observé un retard de langage, cependant son pédiatre a mis cela sur la confusion des langues.Moi,je sentais au fond de moi qu’il y avait quelque chose. Je l’ai emmenée à plusieurs reprises en Martinique à la rencontre d’un spécialiste de Necker. Je voulais toujours avoir l’expertise française. Au fur et à mesure des rendez-vous, on lui a détecté une cardiopathie, un stra- bisme et un retard psychomoteur. En 2015, c’est grâce àune multitude de tests génétiques que le résultat tombe. Le 16 octobre 2015, j’apprends que Roanne est atteinte du syndrome de Williams et Beuren avec un test positif à99,7%.Ce jour-là, mon meilleur ami était àmes côtés, je suis restée calme. Sur le coup, je n’ai ni pleuré, ni crié, j’ai juste accepté la nouvelle. Je me rappelle avoir dit :“ Si ma fille a un han- dicap, c’est que j’ai les épaules assez solides pour m’en occuper.” En réalité, je m’étais déjà fait tellement de films, que j’ai accueilli la nouvelle comme une délivrance. Comment se caractérise sa maladie ? Roanne est une enfant vivante, hyper- sociable, très gentille et très sensible. C’est un comportement caractéristique de son syndrome.Ce sont souvent des génies sociaux et musicaux. Roanne est en effet très douée en musique. Elle écoute une chanson et la fre- donne instantanément. Elle a fait de l’éveil musical, un peu de tambour et est à l’aise avec tous types d’instru- ments. D’ailleurs, elle souhaite faire de la guitare. Elle vit son quotidien en musique et pour ses apprentissages, tout doit être ludique.Sur le planmoteur, elle a quelques soucis d’élocution et un retard par rapport aux enfants de son âge. Par exemple, elle ne peut pas attacher correctement les lacets de ses chaussures. L’analyse et l’écriture sont aussi difficiles pour elle.Elle a quelques troubles de la vision. D’ailleurs, petite, elle se cognait sans cesse aux portes et auxvitres. Est-elle autonome ? Les médecins m’ont dit que Roanne ne serait pas autonome. Mais elle m’a toujours prouvé le contraire ! Elle fait du vélo, de la trottinette, débarrasse la table et se prépare le matin même si elle prend plus de temps.On m’avait dit qu’elle ne pourrait pas le faire seule ! Elle a une force de caractère incroyable qui m’épate et je suis admirative. J’essaie de ne pas la surprotéger, je la laisse prendre des initiatives et se res- ponsabiliser. De plus, je ne fais surtout pas de distinction avec sa petite sœur Réjeane. Elles sont logées à la même enseigne (rires). Est-elle scolarisée ? Elle est au CP en classe Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire)dans une école primaire de Petit-Bourg. Elle a un temps avec sa classe d’inclusion et un temps en classe spécialisée. J’ai dûme battre pour qu’elle ait une AVSI (Auxilliaire de vie scolaire individuel) 18 hpar semaine.C’est ça le plus dur dans le handicap:être endurant.Il faut oser, ne pas se laisser faire et surtout ne pas baisser les bras. Cette année, avec l’entrée au CP, les apprentissages sérieuxcommencent.C’est plus difficile pour elle, car elle a des problèmes de concentration,mais Roanne s’accroche car elle a soif d’aller de l’avant. En termes d’intégration en revanche, pas de souci.Elle est àl’aise avec tous ses camarades, aime aider et participe aux jeuxcollectifs. Comment Roanne vit-elle son handicap ? Elle est acceptée par son cocon fami- lial, notre entourage et son école. Roanne est une enfant pleine de vie et épanouie. Par contre, quand elle rencontre une difficulté, elle est très frustrée.Quand elle n’arrive pas àdes- siner comme tout le monde, quand retenir un texte devient un parcours du combattant, elle me dit : “Mais Mummy, pourquoi je n’y arrive pas, moi ?” Un jour elle a pleuré de colère, et cela m’a beaucouppeinée. Je me sentais impuissante et c’est vraiment la pire des sensations en tant que mère. Depuis, on a instauré quelques routines avec les spécialistes qui l’entourent pour la rassurer et l’aider àprogresser. Est-ce une maladie qui se voit ? Les enfants atteints de ce syndrome ont un faciès particulier, une dentition irrégulière, un strabisme et un visage allongé. Mais ça ne se voit pas tant que ça à mon sens. Elle n’est donc pas gênée pour le moment par le regard des autres. •••

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