ANFORM GUYANE N81

novembre - décembre 2018 • anform ! 55 aux années 2000. Des chercheurs de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et de l'Inserm réalisent alors une nouvelle étude. Ils analysent les dossiers de 26 000 donneurs de sperme entre 1986 et 2005. Bilan, la concentration en spermatozoïdes a baissé de 32 % en 20 ans. MALFORMATIONS Mais surtout, les chercheurs notent, à cette époque, d'une part une aug- mentation inquiétante des cancers des testicules et, d'autre part, une hausse des malformations de l’appareil génital chez les petits garçons, comme par exemple la cryptorchidie (absence de descente des testicules dans les bourses) ou l'hypospadias (malforma- tion de l’urètre). Plus troublant encore, certaines régions, et notamment les régions industrialisées ou viticoles, sont beaucoup plus touchées par ces phé- nomènes. L'explication ne tarde pas à tomber. Les garçons exposés dans le ventre de leur mère à des perturbateurs endocriniens tels que les pesticides ou des plastifiants, ont beaucoup plus de chances de développer une mal- formation congénitale ou un cancer à l'âge adulte. Car ces perturbateurs touchent notamment les cellules de Leydig, qui se situent dans les testicules et produisent 95 % de la testosté- rone, l'hormone mâle. Or, c'est cette hormone qui permet au stade fœtal, le développement des organes génitaux. Comment agissent ces perturbateurs ? Un peu comme des “imposteurs”, en mimant l'action des hormones. “Grâce à des modèles de testicules humains in vitro, notre équipe a montré l'impact de contaminants environnementaux, en particulier des plastifiants comme les phtalates et le bisphénol A sur le fonctionnement des testicules fœtaux et adultes” , raconte Nathalie Dejucq- Rainsford, directrice de recherche à l'Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail). Le constat le plus alarmant est que ces contaminants ont un impact d'autant plus délétère chez le fœtus, exposé dans le ventre de sa mère, que chez l'adulte. D'autres contaminants jusqu'alors hors de tout soupçon ont également été récemment révélés : l'ibuprofène, le paracétamol et l’aspirine présentent un danger pour le fœtus mâle, en particulier au 1 er  tri- mestre. Les risques ? Un dérèglement hormonal pouvant occasionner une malformation des organes génitaux ou encore impacter la production future de spermatozoïdes. Une remise en ques- tion des pratiques obstétricales semble nécessaire, lorsqu'on sait que de nom- breuses femmes enceintes prennent du paracétamol ou de l'ibuprofène en début de grossesse. ZIKA Une étude du Cécos, menée en col- laboration avec plusieurs laboratoires et l'Irset, montre que le zika engendre une baisse de la production de sper- matozoïdes, ainsi qu'une hausse de spermatozoïdes anormaux pendant 3 mois après l'infection. Si cette dimi- nution est réversible au 4 e  mois, une nouvelle étude, dirigée par Nathalie Dejucq-Rainsford montre un effet rare pour un virus. “Le zika infecte directement les cellules germinales, c'est-à-dire les cellules qui vont devenir des spermatozoïdes. Or c'est très rare pour un virus. Généralement, on le trouve plutôt dans le liquide séminal, pas dans les spermatozoïdes et encore moins dans les cellules germinales.” Ainsi, le risque de transmission sexuelle du virus, déjà avéré sur 40 jours, pourrait bien s'étendre à 3 mois. “Les testicules constituent un bon réservoir pour ce virus, qui s'y trouve protégé du système immunitaire, ajoute la directrice de recherche. Ce que nous souhaitons désormais découvrir, c'est l'effet du zika, et potentiellement d'autres virus émer- gents, sur les testicules du fœtus.” On l'aura compris, le risque pour la produc- tion de spermatozoïdes et les organes génitaux mâles se situe bel et bien au stade fœtal. Ce que révèlent l'ensemble des études sur les contaminants envi- ronnementaux et les médicaments est avant tout le danger en cas d'exposi- tion du futur petit garçon, alors qu'il se trouve dans le ventre de sa mère. Quid des virus ? Affaire à suivre. Chlordécone Le chercheur Luc Multigner a montré que le chlordécone aug- mente le risque de cancer de la prostate, dont l'incidence aux Antilles françaises est une des plus élevées au monde. Pourtant, dans son étude réalisée sur des hommes adultes ayant été expo- sés, la production de spermatozoïdes n'est nullement affectée par le pesticide. Fait étrange puisque les mêmes études, menées chez la souris, montrent une altération de paramètres de la qua- lité du sperme sur… trois générations ! L'explication ? Le danger, en ce qui concerne la production de spermatozoïdes, ne viendrait pas d'une exposition au pesticide à l'âge adulte, mais plutôt in utero , avec des conséquences sur les générations futures.

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