ANFORM GUYANE N79

juillet - août 2018 • anform ! 55 ports. Et, naturellement, lui enlever l'accès aux choses dangereuses. Il est normal de lui répéter les choses, mais il est tout aussi important de lui apprendre les limites à ne pas franchir en communiquant sans vio- lence”, explique Catherine Bernadoy. Ces violences ordinaires sont-elles plus fréquentes auxAntilles-Guyane ? Selon la psychologue, “il y a une grande évolution au niveau éducatif et de moins en moins de violences sur les enfants. Mais malheureuse- ment ça existe partout, ici comme ailleurs. Chez nous, il y a souvent la menace de la ceinture. Mais il n'y a réellement plus beaucoup d'enfants qui prennent des coups de ceinture. Elle reste néanmoins une menace qui peut être traumatisante”. PRENDRE DU RECUL En consultation, Catherine Bernadoy rencontre bien des parents qui ne savent plus quoi faire. “Les parents me disent : “Quand on le tape, cela ne lui fait plus rien. On a tout supprimé à la maison, et il me dit qu’il s'en fiche.” Quand on est dans l'impasse éducative, il n'est pas facile d'en sortir. Il faut se demander comment on en est arrivé là? C'est important de recréer le dialogue.” Le travail de la psychologue est basé sur l'écoute et le dialogue. Elle ne juge pas et essaie de mettre des outils à la portée des parents. “Je conseille des techniques que chacun peut tenter de s'approprier. Par exemple, pour calmer un enfant très en colère, le contenir en l'embrassant contre soi, lui parler doucement. Automa- tiquement, il va baisser le ton et s'apaiser peu à peu. On peut aussi prendre du recul et lui dire : “Tu te mets dans ce coin jusqu'àce que tu te calmes.”” Les parents se sentent parfois débordés. Ils ne sont pas par- faits. Ils font comme ils peuvent avec leurs propres fragilités. En appliquant l'éducation rigide qu'on leur a incul- quée, ils pensent bien faire et n’ont pas conscience des répercussions. S'il y a débordement violent, comme la fessée, il faut expliquer à l'enfant pourquoi on en est arrivé làet l'éviter àl’avenir. La solution est d'essayer de gérer sa colère. Respirez profondé- ment et prenez du recul, puis essayez de comprendre pourquoi votre enfant a agi ainsi. Il faut être à l'écoute. L'enfant peut avoir du mal àexprimer ses sentiments. Aidez-le àmettre des mots sur ce qu'il ressent. C'est aussi important d'avoir deux parents soli- daires. Si l'un dit oui et l'autre non, c'est très déstabilisant pour l'enfant. Aussi, parler de manière positive à son enfant permet de développer sa personnalité et sa confiance en lui. Par exemple, évitez de lui dire : “Ne traverse pas la route tout seul, c'est dangereux” , mais plutôt : “Je préfère que tu me donnes la main pour ta sécurité.” Bien sûr, des limites sont àfixer, sans menaces, chantage, cris ni punitions. Les règles de vie doivent être exprimées clairement pour que l'enfant puisse les intérioriser lors de son apprentissage, son expérimen- tation et des erreurs qu'il commet. “Dénigrer les parents, c’est faire baisser leur estime d'eux-mêmes. Il ne faut pas les culpabiliser mais les soutenir. Il existe des solutions et l'information, la sensibilisation des parents àce problème sont très importants. Si les parents sont enca- drants, bienveillants et élèvent leurs enfants dans la valorisation et un amour inconditionnel, l'enfant aura de grandes chances d'entrer dans sa vie d'adulte avec confiance et estime de soi”, encourage la psychologue. Le marquer pour longtemps La Fondation pour l'enfance a lancé une campagne nationale de sensibilisation aux violences éducatives ordinaires. Leur message : “Violenter son enfant, c’est le marquer pour long- temps.” Un mini-site dédié à la campagne (www.violence-edu- cative.fondation-enfance.org/ ) permet de connaître les effets et conséquences des violences ordinaires au fil des tranches d'âge. Sur un enfant en bas âge, elles peuvent provoquer un renfermement sur soi ou de l'agressivité par mimétisme dès 3 ans. L'anxiété et la déprime peuvent apparaître dès 5 ans. Dans tous les cas, l'enfant a de grandes chances de souffrir d'un manque de confiance en soi. Son développement va se faire sur un mode d'insécurité avec un sentiment de peur qui empêche la maturation normale du cortex cérébral, au niveau préfrontal notamment. À l'adolescence, la violence peut même s'inscrire dans le patrimoine génétique de l’enfant.

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